Le sacre d’Emir Kir

Inévitable, prévue de longue date, l’arrivée d’Emir Kir (PS) à la tête de la commune de Saint-Josse-ten-Noode (27 000 habitants) se déroule dans la confusion et les bousculades.

Le « vieux chef blanc », comme Jean Demannez qualifiait les hommes de sa génération aux prises avec des successeurs issus de l’immigration, a raté sa sortie en proférant des accusations décousues. Quant à Emir Kir, il a raté son entrée en ne respectant pas l’accord qui lui promettait le maïorat seulement à la moitié de la législature. Arrangement entériné par Rudi Vervoort, alors président frais émoulu de la fédération bruxelloise du PS. Un deal qui a compté pour des prunes. Avec ses 1 916 voix de préférence, Emir Kir s’est senti pousser des ailes et a réclamé, l’exemple venant d’en haut, à profiter d’ores et déjà du titre de bourgmestre empêché tout en continuant à exercer, jusqu’en juin 2014, ses fonctions de secrétaire d’Etat à la Propreté dans le gouvernement bruxellois. Jean Demannez (1 215 voix de préférence) a refusé de jouer les utilités. Rudi Vervoort a cédé à Kir, tout en le privant de son strapontin dans l’Exécutif bruxellois. Fin de la partie. Les leçons à en tirer. 1. Selon le système wallon de désignation des bourgmestres, Kir se serait imposé comme une fleur. 2. Dans le cadre bruxellois, où les appareils de parti jouent un rôle (encore) plus important qu’en Wallonie, Kir a forcé sa chance, soutenu par des partisans enfiévrés qui avaient déjà monté la garde autour de lui lors des précédentes élections communales. L’homme paraît lisse et gentil, son entourage l’est moins. 3. Rudi Vervoort n’a pas tenu ses troupes. Cette succession ratée augure mal d’autres passages de témoin entre les PS historiques et les jeunes générations socialistes, massivement d’origine étrangère et qui spéculent sur le stemblok, le vote ethnique, infiniment plus efficace qu’un choix individualisé des électeurs. Visiblement, à Saint-Josse, la succession ne se passe pas bien, et on a encore rien dit du mécontentement des Belgo-Marocains et autres « minorités ethniques » qui n’apprécient guère les méthodes à la hussarde du clan Kir. Interrogé inévitablement sur le génocide des Arméniens qu’il a nié autrefois et alors qu’un jugement du tribunal correctionnel de Bruxelles (faute d’appel) autorise à le qualifier de « négationniste », Emir Kir s’est réfugié dans l’ambiguïté: « Il appartient aux historiens de trancher la question et ils l’ont fait. Cela a été reconnu par des instances nationales et internationales. Demande-t-on aux Américains ce qu’il est advenu des Indiens d’Amérique ? » Pas d’erreur: cette attitude évasive a été encouragée par le PS de Laurette Onkelinx, alors ministre de la Justice (PS), qui a laissé passer l’occasion, pour ne pas fâcher son électorat et en raison de ses liens avec le parti kémaliste de Turquie, de rendre punissable la négation des génocides des Arméniens et des Tutsis. Passage de génération, passage ou rupture de mémoire.

Marie-Cécile Royen

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