Gérald Papy

Le rêve d’un monde sans armes nucléaires

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

« En tant qu’unique puissance ayant eu recours à l’arme nucléaire, les Etats-Unis ont la responsabilité morale d’agir. » Le 5 avril 2009 à Prague, Barack Obama, fraîchement investi président, dévoilait son rêve d’un monde débarrassé de toute arme nucléaire.

Par Gérald Papy

Depuis ce discours, Barack Obama a agi. Il vient de signer avec son homologue russe, Dimitri Medvedev, un nouveau traité START de désarmement, qui réduit à 1 550 ogives le nombre d’armes nucléaires que les deux pays s’autorisent à posséder. Et en prélude à un sommet, la semaine prochaine à Washington, sur la sécurité et la non-prolifération, il a présenté la nouvelle stratégie des Etats-Unis. George W. Bush avait élargi le champ du recours à l’arme atomique ; Barack Obama le réduit. Il en proscrit l’emploi contre les pays signataires du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) (1).

Mais se réserve le droit d’en user « dans des circonstances extrêmes, pour défendre les intérêts vitaux des Etats-Unis et de leurs alliés ». Sont spécifiquement visés la Corée du Nord, puissance nucléaire, et l’Iran, puissance nucléaire en devenir selon les Occidentaux, qui a pourtant signé le traité.
Par cette doctrine, Barack Obama fait entrer les Etats-Unis et le monde dans un nouveau paradigme que l’écroulement du système soviétique et la fin de la Guerre froide il y a plus de vingt ans auraient légitimement pu faire éclore plus tôt : ce ne sont plus la Russie et la Chine qui représentent la première menace pour la sécurité mais bien les Etats-voyous et les organisations terroristes.

Cette nouvelle orientation ne sera sans doute pas sans conséquence pour les pays européens qui abritent, comme la Belgique sur la base de Kleine-Brogel, des armes nucléaires américaines et qui ont lancé le débat, au sein de l’Otan, sur leur retrait (2).

Il ne faut pourtant pas se bercer d’illusions. Un monde dénucléarisé n’est pas pour demain. Barack Obama, 49 ans, a jugé lui-même, à Prague, que cet objectif ne pourra sans doute pas être atteint de son vivant. Et poussé par les plus conservateurs des membres de son administration, il n’exclut pas de moderniser l’arsenal nucléaire américain. Mais, à tout le moins, le mouvement contre la prolifération gagne du crédit et la position de négociation des Etats-Unis face à la Corée du Nord et à l’Iran est confortée.

La démarche de Barack Obama dans ce dossier traduit bien le portrait de « tacticien avisé, ni doctrinaire ni réaliste » que dressaient certains de ses collaborateurs il y a peu dans Le Monde : « Il a le sens du temps, il construit lentement », mais « il faut être un homme courageux pour fixer des aspirations aussi difficiles à atteindre. »

(1) Neuf pays sont considérés comme des puissances nucléaires : Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Russie, Chine (Etats qui ont signé le Traité de non-prolifération nucléaire, TNP), Inde, Pakistan, Israël (non signataires du TNP) et Corée du Nord (qui a dénoncé le TNP en 2003).
(2) L’Allemagne et la Belgique appuyés dans leur initiative par le Luxembourg, la Norvège et les Pays-Bas, pays qui n’en hébergeraient pas.

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