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Le PS lave son linge sale

Le Vif

Le gouvernement wallon a retiré à Philippe Mettens (PS) la confiance que lui avaient manifestée les électeurs de Flobecq et l’a révoqué de son poste de bourgmestre. C’est l’histoire d’un écorché vif, sur fond d’une haine familiale qui l’oppose à Rudy Demotte (PS), le cousin de sa femme.

« Si la loi est idiote, alors il faut changer la loi », réagit Philippe Mettens, ex-bourgmestre PS de Flobecq, petite commune (3 500 habitants) du pays des collines, située entre la wallonne Lessinnes et la flamande Renaix. « On l’a bien fait pour le photovoltaïque… »

Sa situation n’est pas banale. Il tombe en effet sous le coup d’une révision du Code wallon de la démocratie locale qui, en 2010, a édicté de nouvelles conditions d’incompatibilité entre un mandat exécutif local (bourgmestre, échevin ou président du CPAS) et un mandat de haut fonctionnaire. Philippe Mettens est le top manager de la Politique scientifique fédérale, une des plus importantes administrations du pays (3 000 personnes) qui règne sur les grands musées fédéraux, les archives de l’Etat, la bibliothèque royale, l’Institut des sciences naturelles, l’Institut royal météorologique, l’Observatoire… Qui administre la base Princesse Elisabeth en Antarctique, la participation belge dans Airbus ou l’Agence spatiale européenne…

Il a été élu, en octobre dernier, à la tête d’une majorité absolue socialiste de 54 % (+2,5 %), bourgmestre de Flobecq. Il en portait déjà le titre depuis que son prédécesseur Rudy Demotte le lui avait abandonné, faisant le choix de la candidature au maïorat de la Ville de Tournai, et il « faisait fonction » depuis 2000, gérant la commune quand Demotte, ministre, était empêché. Les deux hommes étaient proches. L’épouse de Mettens est la fille de l’ancien bourgmestre de Flobecq Jacky Leroy (PS), oncle de Demotte qu’il a lancé en politique après s’être préoccupé de la formation du jeune homme suite au décès de son père. Les liens familiaux se sont intensifiés, l’un devenant même le parrain d’un enfant de l’autre, jusqu’à une incompréhensible rupture, d’une violence à la mesure de la précédente amitié.

Un décret pour un seul homme ?

Aussi, lorsque le gouvernement wallon a présenté son projet de décret sur de nouvelles incompatibilités, et singulièrement sur celle concernant les hauts fonctionnaires du fédéral, Philippe Mettens, le seul à être concerné, y a- t-il vu la patte mesquine de son cousin par alliance. Au départ en effet, celles-ci ne concernaient que les hauts fonctionnaires régionaux.

« Dans son programme pour les élections de 2009, le PS n’en touche pas mot, explique Philippe Mettens. Ecolo propose la suppression du système d’empêchement ministériel des  »bourgmestres empêchés ». Le CDH est le plus précis : il veut rendre incompatibles le mandat exécutif local et une fonction dirigeante dans une administration ayant un pouvoir de contrôle sur le pouvoir local où il siège. Dans la DPR (Déclaration de politique régionale), les trois partis s’engagent sur l’incompatibilité entre la commune et l’administration régionale (ou communautaire). Nulle part, là non plus, il n’est question de l’administration fédérale. »

Quand Paul Furlan, le ministre PS des Pouvoirs locaux, présente au gouvernement sa note relative au projet de décret, il n’est toujours pas fait mention du fédéral, pas plus que dans l’exposé des motifs qui accompagne le projet de décret soumis au parlement wallon. Ensuite, au cours des débats en commission, le ministre Furlan est encore muet sur les fonctionnaires fédéraux. « Le mot fédéral est clairement une pièce rapportée », assure le bourgmestre révoqué pour lequel, sans aucun doute, c’est le ministre-président Rudy Demotte qui l’a imposé. Pour lui nuire.

Demotte dément

Rudy Demotte dément formellement cette rumeur qui court depuis des mois, même si, sur Facebook, il soutient la décision, affirmant que « un haut fonctionnaire doit totalement se consacrer à sa tâche ». Tandis que l’un ou l’autre suiveur, avec des arguments ad hominem qui ne volent pas bien haut, attaque Mettens.

Lui a lancé une pétition qui a recueilli plus de 1 500 signatures « Des membres du personnel communal, des personnes de son collège, des citoyens  »clients », des ouvriers communaux, des fils et filles de mandataires », persifle Demotte toujours sur Facebook. Ce ne sont en tout cas pas des mandataires socialistes : à l’unanimité, en présence de… Rudy Demotte, la fédération PS de Wallonie picarde a condamné la position de Mettens. Qui ne s’était pas privé, lui, de descendre Demotte dans la presse pendant la campagne, expliquant que, à Flobecq, il n’était là que quand il y avait des caméras, et qu’il ne supportait pas « l’idée que je puisse faire un meilleur score que lui ». C’est pourtant ce qui s’est passé : Mettens a fait 785 voix de préférence en 2012 quand Demotte en avait récolté 705 en 2006.

Le député wallon Ecolo Stéphane Hazée rappelle lui-aussi que le cas des fonctionnaires fédéraux ne figurait pas dans les objectifs de la DPR, qu’il « s’est invité dans la discussion ultérieurement ». Pas à l’initiative d’Ecolo. « Mais le raisonnement a sa logique, poursuit-il : un haut fonctionnaire de l’administration fédérale de l’Intérieur pourrait-il siéger comme bourgmestre alors que l’Intérieur a la haute main sur les pompiers par exemple ? » Il concède toutefois qu’il faudrait pouvoir appliquer une certaine proportionnalité.

« Rudy Demotte n’est pas intervenu à ce sujet, j’en suis sûr, affirme pour sa part Paul Furlan. Philippe Mettens connaissait le décret avant de se présenter aux élections. Le débat démocratique a eu lieu, et le décret a été voté. » Mais il ne serait pas inconcevable, selon lui, de remettre tout le débat sur la table. « Il existe 236 cas d’incompatibilités, qui se sont ajoutés au fil du temps. Il devrait y avoir un travail parlementaire de nettoyage de tout cela. Mais, sur le principe, je ne peux accepter de changer des choses en fonction d’une pétition, dans la hâte, et sur la base d’un cas particulier. Philippe Mettens s’est mis hors la loi. » Et d’autres ne l’ont-ils pas contournée ? « Ne donnez pas au ministre le droit de juger de la morale et de l’éthique. Il ne peut le faire que sur le plan juridique. »

Michel Delwiche

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