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Le niveau des étudiants est-il vraiment en net recul ?

Ettore Rizza
Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

« Le « tous à l’unif », ça correspond à une volonté de démocratisation, mais on observe un net recul du niveau des étudiants », affirmait Jean Hindriks, « senior fellow » chez Itinera Institute et professeur d’économie à l’UCL, dans Le Soir du 2 octobre.

Le think tank Itinera a publié, début de ce mois, une étude sur l' »enseignement supérieur face à la massification ». L’enquête était basée sur un questionnaire envoyé à 5 000 universitaires et auquel 1 300 ont répondu, en grande majorité flamands (75 %). Itinera Institute en tire une série de recommandations destinées à améliorer la qualité de l’enseignement et de la recherche. Si l’enquête contient plusieurs pistes intéressantes, elle souffre parfois de défauts méthodologiques qui auraient dû interdire à l’institut d’en tirer des conclusions générales. Exemple : quelque 74 % des « universitaires donnant régulièrement cours en Belgique » auraient constaté une baisse de niveau chez les étudiants. La formulation précise était : « La qualité des étudiants entrants, mesurée selon les capacités de base nécessaires pour la formation académique que vous enseignez, diminue. » A cette affirmation, 63,3 % des francophones et 67,5 % des Flamands ont répondu « d’accord » ou « entièrement d’accord ». Conclusion des auteurs : une sélection à l’entrée permettrait de filtrer les « étudiants moins bons et moins motivés ».

Les enseignants universitaires sont-ils les meilleurs juges en la matière ? C’est la question que pose le juriste Christophe Mincke, lui-même professeur aux Facultés Saint-Louis, au coeur d’un article à paraître fin novembre dans La Revue nouvelle. Sa théorie : les profs et chargés de cours ont souvent obtenu des résultats universitaires supérieurs à la moyenne ; on peut également supposer qu’ils adhèrent de manière plus étroite que tout un chacun aux valeurs académiques. « Est-il dès lors étonnant qu’ils trouvent les étudiants actuels plus médiocres que leur point de comparaison naturel : eux et leurs camarades […] ? » s’interroge Christophe Mincke.

Réflexion pertinente. Tout autant que celle sur l’expérience des répondants à l’enquête d’Itinera : près de 58 % se disent âgés de 20 à 35 ans. Il est permis de se demander si des personnes qui ont quitté les bancs de leur faculté voilà treize ans au plus disposent du recul nécessaire pour se prononcer l’évolution des étudiants. D’autant que l’opération « Passeport pour le bac », menée justement depuis une dizaine d’années par le Centre de didactique supérieure de l’Académie universitaire Louvain, n’a constaté durant cette période aucune baisse des compétences de base chez les rhétos fraîchement entrés à l’université.

Par ailleurs, cette proportion élevée de trentenaires interpelle sur la représentativité des réponses. Itinera ne précise pas la part de personnel académique (celui qui donne cours) et de personnel scientifique (les chercheurs, en moyenne plus jeunes). Si l’on s’en tient aux enseignants, les chiffres 2011 indiquent que, temps pleins comme temps partiels, les moins de 35 ans constituaient dans l’ensemble 7 % du personnel académique francophone. Soit huit fois moins que leur taux de réponse supposé à l’enquête en question. On ignore toutefois le pourcentage de « 35 ans pile », catégorie noyée dans les « 35-44 ans », laquelle représentait environ un quart du même corps académique.

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