Olivier Mouton

Le détournement nauséabond de l’image des Diables

Olivier Mouton Journaliste

Ce devait être un coup de pub viral génial, cela se termine en débâcle. Belfius, la banque contrôlée à 100% par l’Etat belge, avait cru intelligent de surfer sur la qualification des Diables rouges pour la Coupe du monde 2014 et l’engouement des supporters. L’idée, éthiquement très contestable ? Proposer un prêt avec un taux d’intérêt de 10% pour permettre le paiement du voyage vers le Brésil.

Suite à l’afflux de réactions indignées, la banque a fait retirer la campagne. Comme révélé par Le Vif/L’Express, elle s’expose en outre à une action en justice de l’Union belge de football et à une riposte vigoureuse d’un concurrent, ING, qui a conclu un partenariat exclusif avec les Diables rouges jusqu’en 2018. « Nous devons être vigilants pour protéger l’image des Diables mais aussi nos partenaires commerciaux », souligne Benjamin Goeders, responsable marketing de l’Union belge.

Tant le nom « Diables rouges » que les visuels et les images des joueurs sont des marques protégées. A cet égard, comme elle envisage de le faire contre Belfius, l’Union belge de football est à même de déposer plainte contre toute société procédant à une utilisation jugée « abusive ».

Il y a déjà eu des précédents. La maison d’édition Halewijck avait utilisé une photo des Diables rouges pour la couverture d’un livre : l’Union belge avait demandé de la retirer mais avait été déboutée parce que celle-ci avait un caractère « informatif ». Par contre, la société de télévision numérique Telenet a été invitée « à l’amiable » à retirer une campagne valorisant les Diables, parce qu’elle allait à l’encontre du partenariat exclusif signé par les Diables avec Belgacom TV.

C’est dit : sachant les velléités d’utiliser la réputation des Diables tous azimuts à des fins commerciales, l’Union belge ne laissera rien passer. Elle travaille avec un cabinet d’avocats pour monter les dossiers contre tout contrevenant. « Outre nos dix partenaires principaux, nous mettons en place toute une série d’accords plus ponctuels avec des producteurs de beurre, de chips… en vue du Brésil, prolonge Benjamin Goeders. Nous savons que nous devrons réagir rapidement si l’on veut utiliser d’autres détournements abusifs, avant que les produits ne se trouvent dans les supermarchés. » Raison de plus pour laquelle l’Union belge ne pouvait à aucun prix laisser passer la campagne Belfius, fut-elle retirée. « Cela serait un très mauvais signal. »

Dans cette histoire de gros sous, certains jouent au plus fin. Ainsi en est-il de Pizza Hut, qui se contente d’évoquer à chaque rencontre des Diables un… match de foot avec le drapeau belge et celui de l’adversaire. Là, aucune riposte n’est possible.

Tout cela témoigne de la professionnalisation de l’Union belge de football et de l’engouement réel pour les Diables. Ironie de l’histoire : Dexia, ancêtre de Belfius, avait claqué la porte des Diables il y a six ans, quand ils traversaient leur désert. « Leur campagne était éthiquement très contestable, souligne le responsable de l’Union belge, en rappelant qu’il n’a pas été consulté au préalable. Jamais nous ne l’aurions autorisée. Ce n’est en outre pas intelligent car ils voulaient toucher les Belges désireux de se rendre au Brésil mais ils ne seront pas si nombreux que cela : à ce jour, nous n’avons reçu que 1200 demandes de tickets. Ce seront surtout des entreprises qui amèneront leurs clients au Brésil dans le cadre de campagnes de promotion… »

Qui a dit que le football était devenu une affaire de (très) gros sous ?

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