Gérald Papy

Lasagne au cheval : l’industrie agroalimentaire doit assumer ses responsabilités

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’Union européenne exhorte les Etats à accroître les contrôles. Mais la question principale est : à quel stade a eu lieu la fraude ? Ce qui renvoie à la responsabilité de l’industrie et à son illusoire autorégulation.

Réunis mercredi soir à Bruxelles, les représentants de huit pays européens directement concernés par le scandale des lasagnes à la viande de cheval (Grande-Bretagne, Irlande, France, Belgique, au nom des ministres Laruelle (Agriculture) et Vande Lanotte (Protection des consommateurs), Luxembourg, Suède, Pologne, Roumanie) ont étudié les mesures pour résoudre la crise actuelle et prévenir sa répétition. La Commission européenne, par la voix du commissaire Tonio Borg (Malte) en charge de la Santé et des Consommateurs, proposera donc ce vendredi à l’ensemble des membres de l’Union un plan conjuguant dispositions immédiates et à plus long terme.

Adoptant une dramaturgie éprouvée lors de la tourmente financière, l’Union européenne va donc multiplier les « réunions de crise » (comité des experts, vendredi ; conseil européen de l’Agriculture le lundi 25 février) pour rassurer les consommateurs. Et il est vrai que si elle ne l’avait pas fait, on le lui aurait sans doute reproché. La principale responsabilité du « lasagne gate » est cependant du ressort des Etats, qui ont la compétence sur les contrôles, comme l’illustre la mesure immédiate proposée par la Commission européenne : que chaque Etat membre procède à des tests ADN sur les produits à base de boeuf. Les analyses auraient lieu en mars avec publication des résultats en avril. Elles viseraient aussi la présence de phénylbutazone, un anti-inflammatoire pour les chevaux qui rendrait la viande impropre à la consommation. Autre mesure prônée mercredi, la Commission européenne, elle, va étudier une réforme de l’étiquetage des produits à base de boeuf pour pouvoir y mentionner l’origine de la viande.

Aussi louables et indispensables soient-elles, ces dispositions, qui ont un caractère avant tout préventif, ne répondent pas au fond du problème, qui relève en premier lieu de la fraude. A quel stade du processus de fabrication des fameux plats préparés, cette viande de cheval a-t-elle pu être introduite ? Par « simple » négligence ou par recherche effrénée du profit ? Là aussi, le défi est européen (sans avoir une dimension communautaire européenne en tant que telle) puisque tous les pays impliqués sont membres de l’Union européenne (Grande-Bretagne, France, Chypre, Roumanie, Luxembourg, Allemagne où des soupçons sont apparus en Rhénanie du Nord-Wesphalie, Belgique où les résultats des tests entrepris par le SPF Economie seront connus dans quelques jours,…). Ce qui implique d’ailleurs que, pour une fois, les grands d’Europe n’ont pas la faculté de rejeter la responsabilité du scandale sur un pays tiers – bouc émissaire, pas plus que sur la Roumanie, dernière arrivée dans le cercle européen, puisque les abattoirs concernés n’auraient pas vendu de la viande de cheval pour de la viande de boeuf.
Concrètement, le « lasagne gate » pose la question des contrôles alimentaires et de la répression des fraudes. Plus fondamentalement, il interpelle sur le rôle et la place de l’industrie agroalimentaire. Certes, il ne faut pas verser dans un angélisme qui prônerait qu’elle échappe à toutes contingences commerciales, une chimère. Mais la caractère sensible de ses activités, qui touchent à la santé publique et aux droits des consommateurs, impose sans doute de la part des autorités des réglementations et des contrôles, adaptés en permanence à l’évolution des marchés. Recueilli par Le Figaro de ce jeudi, le témoignage d’un « trader » en démontre l’urgence. Le négociant jongle avec les tonnes de viande comme s’il s’agissait de minerais, vend avant d’acheter, et ne conclut un marché qu’avec celui qui, en Russie ou en Chine, pourra récupérer la marchandise en temps et en heure. Bref, des préoccupations à mille lieues de la santé du consommateur…

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