Michel Delwiche

Lait : la faute aux marchands

Michel Delwiche Journaliste

Comment s’étonner de ce nouvel épisode de la crise du lait ? Quand l’Europe prône le grand marché et la libre circulation des produits, mais ne prend pas les mesures nécessaires à une régulation minimale, le prix est fixé par les marchands, et pas par les producteurs.

Comment s’étonner du désespoir de ces hommes et de ces femmes qui sont obligés de produire à perte (ils ne peuvent pas laisser crever les bêtes), de s’endetter encore et toujours plus pour garder la tête hors de l’eau ? Il y a un peu plus de trois ans, ils avaient déversé -et pas de gaîté de coeur!- quatre millions de litres de lait dans les champs de la campagne cinacienne pour essayer de faire entendre leur voix. Mais l’écoute n’a pas été bien longue. Deux jours et quelques reportages télé plus tard, ils étaient déjà oubliés, et les consommateurs reprenaient la route des hard discounts pour acheter leur tétra brick au prix le plus bas possible.

L’Europe augmente chaque année le volume de lait qui peut être produit, mais la consommation ne suit pas. Surproduction, et donc effondrement des prix. Et cela ne va pas s’améliorer. Certains États membres, comme l’Irlande, attendent la suppression des quotas laitiers en 2015 pour conquérir des parts de marché supplémentaires qui permettront à leurs grosses exploitations de tuer les plus petites, majoritaires chez nous où l’agriculture familiale, modèle du genre, disparaît petit à petit. Aujourd’hui, le prix payé aux producteurs, soit 0,24€, est le même qu’en 2001. Mais les prix auxquels ils paient leur électricité, la nourriture des animaux ou leurs tracteurs ont, eux, considérablement augmenté, de sorte que le prix de revient est de l’ordre de 0,42€.
Et on ose dire à ces gens-là que c’est normal, que l’Europe n’est pas là pour les soutenir indéfiniment, pas plus qu’elle ne soutient la production de voitures, à Genk ou ailleurs. Pas plus qu’elle ne soutient ceux qui fabriquent l’acier de ces voitures, à Liège, La Louvière ou ailleurs.

Pour le député Marc Tarabella (PS), membre de la commission Agriculture et Ruralité du Parlement européen, c’est l’autorité publique qui doit devenir le gendarme des marchés laitiers, cela ne doit pas être laissé au secteur privé. Il préconise également la création d’un « observatoire des prix et des marges » qui assurerait une répartition plus équitable entre producteurs, transformateurs et distributeurs. Et de sanctionner les États qui ne respectent pas les quotas et qui permettent une surproduction qui entraîne les prix à la baisse.

2012 est l’année des coopératives. En Belgique, 500 fermiers se sont associés pour vendre une partie de leur production sous l’étiquette Fairebel, un peu plus cher, mais à un prix décent pour eux. A quand un label Max Havelaar sur le lait pour inciter les consommateurs à acheter équitable, comme pour le café du Nicaragua ou les bananes du Pérou ? C’est une question de survie aussi pour les paysans de chez nous.

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