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« La possibilité de l’euthanasie procure une certaine tranquillité aux patients en phase terminale »

L’élargissement de la loi sur l’euthanasie ravive les émotions. Pour notre consoeur de Knack, Ann Peuteman, « l’euthanasie sera sans doute très peu pratiquée sur des mineurs, mais pour ces quelques jeunes et leurs parents, elle signifiera un monde de différence ».

1. Au début de l’année, il semblait que la proposition sur l’élargissement de la loi sur l’euthanasie n’aboutirait à rien. Comment se fait-il que cette loi soit finalement passée si rapidement ?

Ann Peuteman: « Les différents partis ont finalement compris que ce dossier est beaucoup trop délicat pour rouler des mécaniques. L’année passée, les Commissions de Sénat réunies de la Justice et des Affaires sociales ont organisé une série de séances d’audition afin de laisser la parole aux experts. Cependant, au moment décisif rien n’a bougé. Quand un parti en avait assez et décidait de continuer, comme l’Open VLD avant les vacances parlementaires, les autres partis, craintifs, se retiraient ».

« La situation s’est débloquée grâce à un travail en coulisse effectué en toute discrétion pendant quelques mois. Le moment où les partis concernés (les partis de la majorité fédérale hormis les chrétiens-démocrates) ont décidé de privilégier l’euthanasie pour les mineurs et de mettre brièvement les autres adaptations de la loi au frigidaire a été décisif ».

« La dernière épine a été sortie du dossier en rendant l’euthanasie uniquement accessible aux mineurs qui souffrent physiquement et pas en cas de problèmes psychiques (ce qui est possible pour les adultes). Sinon, les initiateurs n’auraient jamais réussi à convaincre la N-VA et il n’y aurait sans doute pas eu de majorité pour l’élargissement de la loi sur l’euthanasie ».

2. Concrètement, y aura-t-il de nombreux changements en pratique?

Peuteman: « Les experts prétendent qu’il n’arrive presque jamais qu’un mineur demande de mourir. C’est également l’argument qu’avancent les opposants : il est insensé d’élargir la loi à un groupe qui ne désire pas d’euthanasie. En d’autres termes : la loi est sans objet, ce qui n’est pas tout à fait vrai. En pratique, les mineurs en phase terminale sont régulièrement aidés par une sédation palliative ou d’autres traitements destinés à augmenter leur confort, souvent à leur demande (et celle de leurs parents). ‘Si tous ces moyens sont permis, pourquoi l’euthanasie n’est-elle pas autorisée ?’ raisonnent les défenseurs de la loi. ‘Et pourquoi quelqu’un de dix-huit ans pourrait se faire euthanasier et pas quelqu’un qui a quelques années de moins, mais qui souffre tout autant ?' »

« L’euthanasie sans doute très peu pratiquée sur des mineurs, mais pour ces quelques jeunes et leurs parents – même s’il y en a que deux tous les dix ans, qui la désirent, ce sera un monde de différence. Et pas seulement pour eux. L’expérience montre que le fait de savoir que ‘l’euthanasie est un recours’, procure une certaine tranquillité aux personnes en phase terminale. Même si en fin de compte la plupart d’entre eux ne la demanderont jamais ».

3. Pourquoi la loi sur l’euthanasie sera-t-elle élargie aux mineurs et pas aux patients atteints de démence ?

Peuteman: « Bien que la démence et l’âge mineur ont souvent été nommés d’un trait en matière d’euthanasie, ce sont au fond des discussions très différentes. Jusqu’à présent, l’euthanasie ne s’adresse qu’aux personnes en état d’exprimer leur volonté. Les personnes en état de démence avancée ne sont plus en état d’exprimer leur volonté et ne peuvent donc plus demander l’euthanasie elles-mêmes. En principe, elles pourraient mettre par écrit qu’elles souhaitent l’euthanasie si elles ne reconnaissent plus leur partenaire ou leurs enfants par exemple, mais un tel document n’est pas reconnu par la loi ».

« Les partis qui voudront légaliser cette possibilité auront du mal, car ce dossier entraîne une discussion éthique beaucoup plus difficile. Qui le médecin devra-t-il écouter : la personne que vous étiez quand vous avez noté cette demande d’euthanasie ou la personne âgée souriant joyeusement qu’il a devant lui et qui ne se rend absolument plus compte de ce que signifie mourir ? Si un jour on élargit la loi sur l’euthanasie aux patients souffrant de démence, il faudra un vaste débat politique et sociétal. Car une loi peu plébiscitée a tendance à rester lettre morte ».

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