Mgr Léonard © Belga

La messe est dite pour Mgr Léonard

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Mgr Léonard remettra sa démission au pape le 6 mai prochain. Son mandat, plombé par le scandale des prêtres abuseurs et les polémiques déclenchées par ses propos, s’achève pour lui dans la désillusion.

Le 6 mai prochain, jour de ses 75 ans, Mgr Léonard devra présenter au pape François sa démission comme archevêque de Malines-Bruxelles. Il aura atteint la limite d’âge selon le droit canon. Le cardinal Danneels, son prédécesseur, avait été maintenu à son poste durant une vingtaine de mois après l’envoi de sa lettre de renonciation, prolongation qu’il avait considérée comme un « cadeau ». Car il avait pu rester aux commandes de l’Eglise pour le 450e anniversaire de l’archevêché et la canonisation du père Damien.

Cette fois, le scénario pourrait être différent. Dans une interview accordée à la chaîne flamande VTM, Mgr Léonard assure lui-même qu’il « n’espère pas » voir prolonger sa mission, ajoutant que « personne sur cette terre n’est indispensable ». Des observateurs en déduisent que l’archevêque, peu en phase avec le pape actuel, qu’il ne connaît pas personnellement, prend les devants, redoutant une probable non-reconduction par le Vatican. Le site Infocatho.be a aussitôt qualifié de « pures spéculations » les conjectures sur les intentions futures du souverain pontife et l’état d’esprit de Mgr Léonard.

Mais selon des sources flamandes, le primat de Belgique aurait déjà demandé à ses collaborateurs de lui chercher un nouveau lieu de résidence. Son souhait : quitter le diocèse de Malines-Bruxelles, sans rejoindre pour autant celui de Namur, où il a été évêque pendant près de vingt ans. Sa préférence va à un lieu de pèlerinage, où il pourrait travailler comme prêtre et confesseur. Trois sanctuaires français ont la cote, a-t-il indiqué au Vif/L’Express : La Salette, près de Grenoble, Notre-Dame du Laus, sanctuaire marial du diocèse de Gap, et Pontmain, non loin du Mont Saint-Michel. Et s’il devait finalement rester en Belgique, il se verrait bien à Banneux, en province de Liège, où la Vierge serait apparue à une fillette en 1933.

En tout cas, Mgr Léonard a compris qu’il ne coifferait jamais le chapeau de cardinal : il ne fait pas partie des 20 nouveaux cardinaux, dont 15 électeurs de moins de 80 ans, créés lors du consistoire de ce 14 février. La majorité d’entre eux sont issus des « périphéries » de l’Eglise : Asie, Afrique, Amérique latine. Les vaticanistes expliquent qu’il s’agit donc surtout d’un nouveau rééquilibrage géographique en faveur des contrées d’évangélisation les plus dynamiques. Néanmoins, pour l’archevêque de Malines-Bruxelles, qui voyait dans la barrette cardinalice son bâton de maréchal, la déception est grande.

Commencé en janvier 2010, le mandat d’André-Joseph Léonard a souvent ressemblé à un chemin de croix. Il a beau répéter aujourd’hui que l’Eglise catholique belge a finalement bien réagi aux scandales d’abus sexuels qui ont secoué l’institution en 2010-2012, ces affaires ont plombé ses premières années de « règne ». Lors de sa nomination à la tête de l’Eglise de Belgique, il avait promis une « gestion collégiale ». Sur ce plan, le bilan paraît mitigé. Le jour de sa désignation à la tête de l’archevêché, Mgr Léonard s’était aussi engagé à déléguer ses responsabilités « pour éviter une médiatisation excessive » de sa fonction. On s’attendait surtout à ce qu’il mette une sourdine à ses prises de position sulfureuses sur l’homosexualité – « une anormalité », selon lui -, le préservatif – une « roulette russe » – ou les avortements (« 95 % d’entre eux peuvent être qualifiés de convenance »). Or, les coups de crosse verbaux et autres déclarations médiatiques fracassantes n’ont pas cessé. Ses fréquentations suscitent, elles aussi, le malaise. L’an dernier, son nom a été cité dans l' »affaire Stéphane Bleus ». Le « Madoff belge » est suspecté d’avoir grugé de quelque 100 millions d’euros des dizaines d’investisseurs belges et étrangers. Enfin, une décision unilatérale de l’archevêque, prise en septembre dernier, suscite des tensions jusqu’au sein de l’épiscopat : la réouverture, deux ans et demi après sa fermeture par le vicariat de Bruxelles, de l’église Sainte-Catherine. Mgr Léonard y a affecté trois jeunes prêtres issus de la très conservatrice Fraternité des Saints-Apôtres, la communauté chère à l’abbé Zanotti-Sorkine, prédicateur marseillais aussi populaire que controversé.

Bref, comme confie un prêtre, « nous sommes nombreux, dans l’Eglise, à ne pas cacher notre impatience de voir le mandat de Mgr Léonard s’achever. » D’autres nous avouent avoir commencé à décompter les jours dès sa nomination.

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

Le changement de pontificat ne lui a pas souri

– Les déclarations qui ont suscité les polémiques

– Les évêques se démarquent

– Les appels au boycott

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