Kristien Hemmerechts

La langue comme clé de voûte

Pays-Bas, Belgique : 0-0, tel est le score provisoire. Pour l’instant, aucun des deux pays n’a réussi à former un gouvernement. Pas de souci : la plupart de leurs citoyens se reposent au soleil des plages du sud.

KRISTIEN HEMMERECHTS Ecrivaine

Entre-temps, leurs gouvernements démissionnaires continuent à expédier les affaires courantes. La Haye vient même de décider le rapatriement de ses troupes d’Afghanistan. Un gouvernement en affaires courantes peut donc faire montre de beaucoup d’audace. J’ai parié avec mes amis néerlandais qu’ils auront un nouveau gouvernement bien plus vite que nous. Après quelques hésitations, ils m’ont donné raison. Tout en précisant que ce gouvernement n’allait pas faire long feu : le pays est trop divisé.

Les Belges et les Néerlandais n’échappent pas à ce genre de comparaisons. Eux ont de meilleurs joueurs de foot, nous avons une cuisine plus fine. La réponse à d’autres questions n’est pas aussi simple. Qui a la plus jolie princesse héritière ? Où sont produits les meilleurs programmes télévisés ? Les meilleurs livres ? Où parle-t-on le mieux le néerlandais ? A cette dernière question, les Néerlandais ont coutume de répondre que les Flamands les surpassent. Ceux-ci font moins de fautes lors de la Grande Dictée annuelle. Et au jeu linguistique télévisé
Tien voor taal ils se défendent mieux. Je suis encline à dire que nos voisins du nord maîtrisent davantage le néerlandais. Le vocabulaire du Flamand moyen est plus pauvre que celui de son alter ego néerlandais, et abonde en expressions erronément recomposées. Un Flamand est un usager de la langue plus paresseux et plus passif qu’un Néerlandais. Cette différence s’explique par une attitude fondamentalement différente vis-à-vis de la langue.

Les Néerlandais tiennent à décrire un problème avec une très grande précision. Les mots, les expressions et les images servent à exposer très soigneusement tous les aspects d’un problème. Plus clairement un problème est présenté, meilleures sont les chances d’y trouver une solution. Car les Néerlandais sont absolument convaincus qu’il n’existe pas de problème insoluble. Peu de peuples croient autant en leur capacité de façonner le monde. En guise de boutade, il m’arrive de dire que si on confiait aux Néerlandais la tâche de boucher le trou de la couche d’ozone, ils y arriveraient en un tournemain. Ce sont des constructeurs, des ingénieurs, des gens pratiques allant droit au but. Mais, avant toute chose, il faut que le problème soit exactement formulé. La langue est la clé de voûte de leur esprit d’entreprise.

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