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La grande misère des musées fédéraux

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

L’ouverture, chaotique, du Musée Fin-de-Siècle, relance les polémiques sur la gestion des musées fédéraux et les inquiétudes sur le sort des collections d’art ancien et moderne.

« En plein lancement du Musée Fin-de-Siècle, j’en suis réduit à faire de la gestion de crise », nous confie avec dépit Michel Draguet, patron des Musées royaux des Beaux-Arts. Et pour cause : les travaux effectués le mois dernier place des Musées, liés à l’aménagement du nouveau fleuron muséal du Mont-des-Arts, ont provoqué une catastrophe aux lourdes conséquences pour les finances et l’image des musées fédéraux belges. Les sous-traitants utilisés par l’entrepreneur chargé du chantier ont foré des trous pour pouvoir poser une bâche sur le puits de lumière de l’ancien musée d’Art moderne, converti en musée Fin-de-Siècle. Résultat : des infiltrations d’eau en sous-sol, jusqu’aux salles consacrées à l’exposition phare de cet hiver au musée des Beaux-Arts, L’héritage de Rogier van der Weyden.

Travaux réalisés sans permis

L’expo a dû fermer précipitamment et définitivement ses portes le 22 novembre, alors qu’elle était prévue jusqu’au 26 janvier. En outre, les travaux de carrotage ont été effectués sans permis, ce que nous confirme Draguet : « Le permis n’était pas nécessaire pour les petits travaux prévus, estime-t-il. Nous voulions simplement occulter la lumière pour pouvoir faire des projections de films en 3D dans le nouveau musée. Mais il y a eu débat avec la Régie des bâtiments sur la stabilité de l’équipement. La décision a été prise de renforcer les fixations. L’incident endeuille l’inauguration du musée Fin-de-Siècle. » C’est aussi un coup dur pour les équipes qui ont travaillé pendant quatre ans sur cette expo prestigieuse. En privé, elles ne cachent pas leur écoeurement.

Une sonde défectueuse

L’affaire en rappelle une autre : en janvier 2009, on apprend que des oeuvres des Musées royaux des Beaux-Arts, parmi les 842 stockées dans la réserve temporaire de la section d’art ancien, ont subi des dommages suite au dysfonctionnement d’une sonde. Pendant plus d’un an, la température dans la réserve est restée trop élevée et le taux d’humidité est tombé trop bas. Le musée et la Régie ont mis en cause la société à qui avait été confiée le contrôle des conditions climatiques. Une longue bataille d’experts s’est engagée avec la firme privée, tandis que les oeuvres abîmées ont dû être restaurées à l’Institut royal du patrimoine artistique (IRPA).

Des musées mal gérés ?

Plus largement, la situation actuelle des musées fédéraux et leur avenir pose question. Plusieurs grandes expos ont été annulées ces dernières années, des salles du musée d’Art ancien sont fermées depuis des lustres pour cause de désamiantage et la plus grande partie des collections d’art du XXe siècle ne sont plus visibles depuis la fermeture du musée d’Art moderne, décidée unilatéralement par Draguet le 1er février 2011. Le musée d’Art ancien possède de sublimes Bruegel, celui du Cinquantenaire est riche de ses trésors antiques égyptiens et grecs, mais les deux institutions souffrent du vieillissement de leurs bâtiments, peu entretenus, tandis que les autorités bruxelloises amusent la galerie avec un projet hypothétique de musée d’Art moderne, à édifier dans le socle d’une tour de logements, près de la porte de Ninove…

Lire l’enquête complète d’Olivier Rogeau dans Le Vif/L’Express du 6 décembre. Elle a été réalisée en collaboration avec Lucie Dendooven, du JT RTBF (voir, ce jeudi, le JT de 19h30).

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