La fin du cordon sanitaire ?

L’idée que le Vlaams Belang fasse un jour partie d’une majorité ne semble plus improbable. À la longue, plus personne ne se souviendra pourquoi on a instauré le cordon sanitaire. Personne, sauf le Vlaams Belang.

Ils pensaient s’en être débarrassés pour de bon. Abattue de plusieurs balles, elle est restée des années dans le coma. Elle n’inquiétait plus guère ses ennemis. Ils pensaient pouvoir dormir tranquilles. C’est du moins ce qu’ils croyaient. Et puis, un jour, elle s’est réveillée et sa vengeance fut terrible. Ceci vous dit quelque chose ? C’est dans les grosses lignes la trame du film Kill Bill de Quentin Tarantino.

Ce n’est pas le seul film qui voit revenir un personnage que l’on pensait fini à jamais. Si Hollywood nous a au moins appris cela en 100 ans de cinéma, c’est qu’il faut rester en toutes circonstances sur le qui-vive. Que de nombreux politiciens n’aient guère le temps d’aller au cinéma est bien compréhensible. Et c’est sans doute pour cette raison qu’ils ont perdu de vue cette loi fondamentale d’Hollywood. Ne flairant plus le danger, ils pensent trop souvent que leur ennemi politique est mort et enterré. Du coup il baisse la garde alors qu’au même moment l’opposition prépare frénétiquement le second round.
C’est peut-être aussi pour cela que de plus en plus de politiques comme Rik Torfs, rejettent publiquement le cordon sanitaire. Pourquoi maintenir un cordon autour d’un parti qui n’obtient ces derniers temps qu’un nombre insignifiant de voix. Pourquoi maintenir en ordre de marche une stratégie qui se révèle presque obsolète dans les faits. En faisant cela, ils oublient la genèse du cordon : empêcher un parti liberticide d’accéder au pouvoir. Point.

Que le Vlaams Belang soit monté en puissance justement grâce à ce cordon a souvent été suggéré, mais jamais prouvé. Même si les opposants au cordon ont probablement raison lorsqu’ils évoquent la frustration des nationalistes flamands qui voyaient à chaque élection leurs voix perdues dans les limbes. Dans cette optique, Torfs n’est pas loin de la vérité lorsqu’il dit que Bart De Wever est en quelque sorte l’enfant du cordon. Mais cela – et peu importe ce que d’aucuns pourraient en penser – n’est pas une raison pour le briser.

Au Vlaams Belang, on a depuis compris ce qu’est un bon film. Bien sûr, il enrage de n’avoir engrangé que 8 % des voix lors des dernières élections, mais en même temps le parti a conscience qu’il n’a pas encore vu défiler le générique de fin. En d’autres termes : il n’est pas impossible qu’il reprenne du poil de la bête, grappille peu à peu et en toute discrétion des voix et se retrouve à jouer à un rôle – il est vrai peut-être plus discret- sur le plan politique. Mais avant cela, le président du parti Gerolf Annemans devra nettoyer quelques auges, remettre ses troupes au pas et styler quelque peu le message de son parti. Un peu plus flamand, un peu plus social aussi. Car le but est d’être fin prêt lorsque Bart De Wever tombera de son piédestal. Et, non, il n’est pas impossible que le cordon ne soit plus qu’un lointain souvenir à ce moment-là.

Cela commence par quelques marques de soutiens, des collaborations souterraines pour obtenir la nomination d’un tel à un poste dans un CPAS ou encore dans un conseil de police. La première section locale qui se lancera dans une telle aventure va subir les foudres du siège de son parti. Personne ne souhaite entrer dans l’histoire en tant que président de parti qui a rompu le cordon sanitaire. Mais les récents évènements à Alost, où le SP.A local est – contre la volonté du siège de son parti – monté à bord d’une coalition avec la N-VA et ex-Vlaams Belanger Karim Van Overmeire montre bien que les sections locales ne sont plus guère impressionnées par les réprimandes venues de Bruxelles. Il n’est donc pas complètement farfelu d’imaginer qu’un jour, une majorité soit constituée avec le Vlaams Belang. Pire, à la longue tout le monde aura oublié pourquoi on avait instauré le cordon. Tout le monde, sauf le Vlaams Belang.

Ann Peuteman / Trad ML

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