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La fête de la désunion flamande

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Les trois partis de la majorité nordiste sont à couteaux tirés, tant au gouvernement flamand qu’au fédéral. A la veille du 11 juillet, fête de la Communauté flamande, N-VA, Open VLD et CD&V n’ont pas de vision communautaire commune. La « coalition rêvée » de Bart De Wever était une illusion.

Un « kibbelkabinet ». Traduction : « un cabinet de disputes ». C’est le surnom donné en Flandre à la coalition, pourtant homogène de centre-droit, qui préside à la destinée de la Région et du pays, et ce depuis le 31 janvier dernier. Semaine après semaine, depuis des mois, la N-VA, le CD&V et l’Open VLD ne cessent, en effet, de se chercher noise à coups de petites phrases assassines dans les médias. Jusqu’à la caricature.

« En un an, la N-VA a montré que l’idée d’un vaste consensus flamand était une illusion, entame Dave Sinardet, politologue à la VUB. C’était pourtant la coalition rêvée de Bart De Wever. Le président nationaliste affirmait que tous les problèmes belges étaient communautaires, que la responsabilité de l’immobilisme résidait au PS. Bien sûr, les socialistes bloquaient des réformes. Mais force est de reconnaître que ce discours occultait les difficultés internes à la Flandre. »

Ces tensions récurrentes minent l’action du gouvernement flamand du ministre-président nationaliste Geert Bourgeois. Elles grippent la dynamique fédérale en vue du budget 2016 et d’un tax-shift qui se transforme peu à peu en monstre du Loch Ness de la politique belge. Et à la veille de la fête flamande, ce 11 juillet, traditionnel moment de musculation communautaire, elles illustrent combien le nord du pays n’est plus, pour l’heure, un rouleau compresseur identitaire en quête d’une autonomie accrue voire de l’indépendance.

Au gouvernement flamand, la « coalition rêvée » de Bart De Wever peine à trouver ses marques. Geert Bourgeois, le premier ministre-président d’obédience nationaliste, est « peu présent », estime Nicolas Bouteca, politologue à l’université de Gand. Son analyse est assassine : « Jusqu’ici, le bilan de l’équipe Bourgeois est peu flatteur. Au-delà de la diminution du bonus logement, acquise dès les négociations, on ne peut pas dire qu’il ait pris la moindre mesure emblématique. Même son objectif prioritaire, qui était de maintenir son budget en équilibre, il n’a pas pu le tenir. » La « force du changement », leitmotiv de campagne des nationalistes flamands, a du plomb dans l’aile.

Sans que ce ne soit immédiatement perceptible dans l’opinion publique francophone, les coups bas et les attaques personnelles off the record se sont multipliées entre les partenaires. Et si Geert Bourgeois a tenté de faire bonne figure ces derniers jours en « surcommuniquant » et en insistant sur tout le bienfait de cette coalition de centre-droit pour le peuple flamand, il n’en a pas moins témoigné une nouvelle fois de son mépris pour les critiques de l’Open VLD et du CD&V en balayant d’un revers de la main leur demande d’un tax-shift régional.

Sur le fond comme sur la forme, ça frotte. « Ces tensions sont dues à la lutte pour le pouvoir entre le CD&V et la N-VA, analyse Dave Sinardet, mais aussi à des divergences de fond profondes entre les partis : le CD&V a par exemple des liens très forts avec les piliers et les syndicats tandis que la N-VA les rejette. » « Le CD&V est frustré d’avoir perdu sa position de premier parti de Flandre et se heurte à la N-VA qui veut renforcer sa position de leader, complète Nicolas Bouteca. Quant à l’Open VLD, il fait tout pour reprendre ses électeurs partis à la N-VA en prenant des positions tranchées dans le domaine économique. Ces querelles sont inévitables. »

A la veille du 11 juillet, ce désordre flamand ne fait pas l’affaire des nationalistes. Il est loin le temps où toutes les forces vives du nord du pays se rangeaient derrière le Lion pour rugir ensemble et réclamer davantage d’autonomie.

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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