Thierry Fiorilli

L’inconnu habite au 16

Thierry Fiorilli Journaliste

Il est l’homme le plus médiatisé du pays. Mais il en est l’un des plus méconnus. Elio Di Rupo a beau multiplier les apparitions publiques et enchaîner les discours, il a beau trôner dans le paysage fédéral politique belge depuis plus de vingt ans, il reste, au fond, l’une de ses plus grandes énigmes.

Non pas en termes de méthodes, de gestion, de stratégie, de communication. Mais bien de convictions. Brutalement dit : du Premier ministre, on connaît le parcours, l’obsession de l’apparence, l’art de s’entourer idéalement, les acouphènes, le goût du pouvoir et la grande faculté d’adaptation aux fonctions, aux environnements et aux circonstances. Il a raconté son enfance, il n’a pas occulté son homosexualité, il a fait entrer les caméras dans ses salles de sport, devant sa table de maquillage, chez lui et dans ses bureaux. Il a démontré qu’en matière de marketing politique, en Belgique, il est le meilleur. Et celui qui l’a développé en premier. Comme le rappelait Philippe Delusinne, patron de RTL-TVI et ancien directeur général adjoint de l’agence de pub McCann Erickson, dans le dossier du Vif/L’Express Di Rupo, histoire d’une marque, le 29 avril 2011 : « Il était précurseur. C’est la première personnalité belge qui a mesuré à quel point l’image et la communication sont cruciales en politique. C’était au début des années 1990. Il me fixait régulièrement rendez-vous à 7 heures dans son bureau. On passait les journaux en revue, on réfléchissait aux messages à faire passer, on analysait ce que les journalistes retenaient comme infos après une conférence de presse. »

Bref, on lançait la mise en scène. Du personnage, de son rôle et du scénario. Depuis, le Montois a gravi tous les échelons, avec la mine de celui qui ne veut pas y toucher mais, dans les faits, façon rouleau compresseur. Et tant pis pour celles et ceux qui se trouvaient en travers de sa piste aux étoiles. Jusqu’à diriger le pays, depuis un peu plus de deux ans.

Ce dimanche 23, en congrès PS, Elio Di Rupo va annoncer, il était temps, qu’il est candidat aux fédérales du 25 mai. En réalité, il est déjà en campagne électorale depuis septembre dernier. Mais une campagne qui ne disait pas son nom, une campagne dans les habits du Premier ministre pour vanter le modèle belge et les résultats du gouvernement. Dès dimanche, il descend dans l’arène à visière découverte. Objectif : rempiler au 16, rue de la Loi pour remplir « une dernière mission au service de la Belgique et de mes concitoyens, confiée par Sa Majesté le Roi ». Dès dimanche, la tête de liste PS dans le Hainaut, d’ores et déjà assurée semble-t-il d’un véritable triomphe sur ses terres, pourrait donc cesser de ne délivrer que « des messages » et esquiver tout débat de fond. Pour, enfin, dévoiler clairement ses opinions et présenter son modèle de société. Délaisser les bilans pour proposer une vision.

C’est en tout cas ce que tous les électeurs sont en droit d’attendre. D’exiger. Même si les probabilités d’être entendus sont très minces. Parce que, résumait Delusinne il y a trois ans, « chez Di Rupo, rien n’est anodin. Ni le style de ses vêtements, ni les mots qu’il emploie, ni les couleurs qu’il porte… Il sait que, quand on aspire à d’importantes fonctions politiques, tout doit être communicant ». Donc, plus proche de la posture que des convictions.

De quoi rester l’inconnu le plus médiatisé et le plus puissant de Belgique.

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