Thierry Fiorilli

L’exil de Depardieu : remballez vos mouchoirs

Thierry Fiorilli Journaliste

L’affaire Depardieu a définitivement l’allure d’un film qui a très très mal vieilli. Elle fait ré-émerger, façon geyser, des notions qu’on pensait d’un autre temps, parce qu’elles tiennent davantage de la posture que de la raison.

En France, ceux que l’exil fiscal de l’acteur choque évoquent « la fidélité à la patrie », « la trahison à l’égard de l’Etat sans lequel Depardieu ne serait pas devenu » ce monstre sacré et planétaire du cinéma, le fait que « la citoyenneté française c’est un honneur, ce sont des droits et des devoirs aussi », « les services à rendre à la Nation », etc. On sort les drapeaux, on abaisse les barrières à la frontière, on jette son passeport, on confisque la nationalité, on en appelle au sens du sacrifice – qui serait le remède le plus radical, le plus symbolique, pour contrer les effets de la crise. On nage à vrai dire autant en plein délire qu’en authentique nationalisme purement vénal. Ajoutons la récupération (c’est de bonne guerre) de l’opposition au pouvoir socialiste français (« Sans votre matraquage fiscal, nos pépites ne s’enfuiraient pas ») et les attaques ad hominen parce que le personnage de Depardieu y prête flanc si facilement – trop de visibilité, trop d’argent, trop de bourdes, trop d’éclats, trop de films, trop de rôles, trop de transparence, trop de femmes, trop d’égo – et l’histoire qui se joue sous nos yeux est à classer sans la moindre hésitation dans la catégorie « à fuir » : scénario lamentable, piètres acteurs, montage consternant…

Dans les faits, la décision de l’acteur de s’installer chez nous pour avoir moins d’impôts à payer est légale. Elle était de surcroît prévisible, pour tout le monde, dès lors que les toutes grosses fortunes françaises allaient être davantage taxées. Elle est par ailleurs assumée, clairement, et avec un certain panache, il faut le reconnaître, par Gérard Depardieu. Quand bien même elle ne serait que passage obligé avant l’exil final (et toujours fiscal) pour Monaco, elle n’en resterait pas moins légitime. Toute star qu’il soit, Depardieu est libre d’aller là où bon lui semble, fût-il guidé par ses seuls intérêts. Qui donc, aujourd’hui, peut raisonnablement lui en tenir rigueur ?

Sûrement pas ceux qui, au travers de leurs fonctions, président de la République, Premier ministre ou membres du gouvernement, sont là, eux, pour trouver les solutions aux problèmes publics. Ils ont été élus dans ce seul but-là. Pour que demeure encore un peu de confiance en l’Etat. Cette confiance qui est la plupart du temps la meilleure garante de la fidélité.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire