Soraya Ghali

L’école souffre d’une culture scolaire totalement dépassée

Soraya Ghali Journaliste au Vif

Un petit tour et puis s’en va. Les résultats de l’enquête Pisa, qui mesure les performances des élèves de 15 ans en compréhension écrite, mathématiques et sciences, ont, comme tous les trois ans, suscité nombre d’analyses, de débats, de controverses. Des commentaires, donc, et puis plus rien.

En quelques jours, ce qui constitue une catastrophe nationale est retombé dans l’oubli. Or, aujourd’hui, comme une piqûre de rappel, l’Appel pour une école démocratique (Aped) livre son analyse de la dernière évaluation Pisa (lire ci-contre). L’intérêt de l’exercice : analyser les inégalités entre élèves d’un même pays. Là, le constat se révèle très sévère : l’école belge n’est pas celle des cancres, mais une institution duale, bipolarisée, qui élimine les élèves défavorisés et immigrés. En réalité, il y a deux jeunesses en Belgique : tandis que l’une finit par trouver sa place entre 25 et 30 ans, l’autre est en échec et en souffrance.

Première question : comment en est-on arrivé là ? L’analyse que livre l’Aped interroge évidemment le système que nos élèves de 15 ans testés dans l’enquête 2012 ont traversé durant leur scolarité : ils y redoublent, ils y sont relégués en filières…

Seconde question : y a-t-il une vraie volonté de réduire les inégalités scolaires ? Devant un sujet de si grande importance, qui touche le pays dans son entier, les politiques ne peuvent privilégier les déclarations partisanes, les petites phrases assassines, la recherche affectée des responsabilités chez le camarade d’en face – selon le cas celui d’avant ou celui d’aujourd’hui.

Troisième question : que faudrait-il faire pour vraiment faire réussir tous les élèves ? Tout se passe finalement comme s’il n’existait pas de remèdes aux maux de l’école ! Mais une certitude : notre école ne souffre pas d’un problème de moyens, mais bien d’une culture scolaire totalement dépassée. Et il n’y a pas dix mille solutions pour réduire l’iniquité scolaire, mais certaines sont plus efficaces et bien connues. Un : allonger le tronc commun (et retarder ainsi la relégation). Deux : combattre, voire supprimer, le redoublement.

C’est donc d’une révolution culturelle dont l’école a besoin. Vite. Parce qu’elle ne peut plus laisser sortir 20% – !- d’une génération sans diplôme secondaire. Parce que le marché du travail ne résorbe plus les inégalités produites par le système scolaire : hier, les compétences requises dans des emplois non qualifiés permettaient aux non-diplômés de s’insérer. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Enfin, cette rupture culturelle doit être portée par les politiques. Ce sont eux qui possèdent un pouvoir direct sur les politiques scolaires. Dire qu’ils souhaitent imposer de façon douce des normes et des « bonnes pratiques » n’est plus suffisant. Et se contenter de parler « moyens », c’est facile mais inefficace. Rien n’est plus tragique que cette manière d’agir. C’est à se demander quel intérêt on peut trouver, humainement, à remplir cette belle mission, en particulier de ministres des enseignements, si c’est pour passer son temps à retarder l’application de réformes essentielles, dont dépend l’avenir d’un pays ?
Soraya Ghali

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