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L’avortement dépénalisé depuis 25 ans mais reste un « tabou »

« On constate toujours une stigmatisation de l’avortement dans la société belge. Avorter reste un tabou », déplore Julie Harlet, chargée de communication de la Fédération des centres de planning familial des Femmes prévoyantes socialistes (FPS).

Vingt-cinq ans après l’adoption de la loi dépénalisant sous conditions l’avortement, les mouvements « pro-vie » continuent de remettre en cause le libre choix des femmes alors que trop peu de nouveaux médecins sont formés aux techniques d’avortement, regrette également la responsable.

« Nous sommes inquiets des pénuries de médecins annoncées », explique Julie Harlet. Environ 80% des interruptions volontaires de grossesse (IVG) sont effectuées dans un centre de planning familial, le plus souvent par un médecin généraliste. « De nombreux praticiens seront bientôt pensionnés. Sur le terrain, nos centres sont déjà confrontés à la pénurie. Notre centre d’Arlon, par exemple, recherche un médecin depuis 2012. » Les femmes qui s’y rendent en vue d’un avortement sont renvoyées ailleurs, où les listes d’attente sont parfois longues.

De plus, trop peu de médecins connaissent les techniques d’IVG. « En Belgique francophone, seule l’ULB délivre une formation. Nous plaidons pour l’ajout d’une formation obligatoire au cursus des médecins », indique la porte-parole, qui précise qu’être formé ne signifie pas être obligé de pratiquer. Il faut en tout cas remobiliser les médecins, estime-t-elle.

Si l’avortement est en grande partie remboursé par la mutuelle, une barrière économique subsiste pour les personnes qui ne sont pas en ordre de mutuelle ou qui séjournent illégalement sur le territoire. Parmi elles, peu pensent à s’adresser (à temps) au CPAS pour recevoir une aide médicale urgente et toutes n’y ont pas droit, ainsi que le dénonçait l’association Vie Féminine en 2013. « L’avortement n’est pas remboursé non plus pour les femmes qui avortent à l’étranger parce qu’elles ont dépassé le délai de 12 semaines de grossesse », prolonge Julie Harlet. Environ 500 femmes belges avortent chaque année aux Pays-Bas, selon les centres de planning familial. Les IVG y sont acceptées jusqu’à 22 semaines de grossesse.

Les centres de planning familial affiliés au Groupe d’action des centres extra-hospitaliers pratiquant l’avortement (GACEHPA) et à son homologue flamand Luna plaident pour l’extension du délai belge de 12 semaines. Les FPS n’y sont pas opposées mais considèrent qu’il ne s’agit pas d’une priorité. « On pourrait imaginer que l’Inami rembourse les avortements pratiqués après 12 semaines aux Pays-Bas », avance Mme Harlet, qui précise que les avortements tardifs nécessitent des techniques particulières.

« C’est une matière très liée à l’éducation à la sexualité. Outre l’accès libre et gratuit à la contraception, il faudrait avant tout que les autorités créent un site internet officiel sur le sujet et développent des campagnes d’information. Les ‘anti-choix’ répandent un tas de mythes selon lesquels l’avortement perturberait la santé mentale, provoquerait le cancer du sein ou rendrait infertile. C’est évidemment faux mais il faut le dire officiellement », conclut la porte-parole.

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