Gérald Papy

L’audace réjouissante du pape François

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le 1er septembre, des stars anciennes et actuelles du football, dont Lionel Messi le compatriote du pape François, ont rendez-vous au stade olympique de Rome à l’occasion d’un « match pour la paix » organisé par le Saint-Siège. L’Eglise catholique pousserait-elle son sens éprouvé de la communication depuis l’avènement du nouveau souverain pontife jusqu’à associer le sport le plus populaire au monde à sa stratégie ?

Le Mondial brésilien a rappelé que le pape François est grand amateur de football. Mais tel n’est pas son premier objectif. Le raout de Rome n’est qu’un des derniers avatars de la diplomatie vaticane, nouvelle formule. Veillée pour la paix en Syrie et lettre aux dirigeants du G20, prière commune avec les présidents israélien Shimon Pérès et palestinien Mahmoud Abbas dans les jardins du Vatican… : François multiplie les opérations médiatisées. Gadgets sans lendemain ou vraie mutation de l’Eglise catholique sur la scène internationale ?

Au Vatican, la volonté est réelle de dépasser les appels incantatoires à la paix et au dialogue. Le pape François l’a déjà prouvé à plusieurs reprises. En septembre 2013, il s’oppose publiquement à l’intervention militaire que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France envisagent en réponse à l’usage présumé d’armes chimiques contre les rebelles par le régime de Bachar al-Assad. Le projet sera finalement abandonné en raison des incertitudes américaine et britannique sur son efficacité. Ces derniers jours en revanche, le même pape François a cautionné l’opération américaine en Irak contre les djihadistes de l’Etat islamique pour secourir les chrétiens et les yézidis persécutés. A s’exposer davantage en politique internationale, le pape n’hésite donc pas à prendre des risques. Celui, en l’occurrence, de l’ambiguïté que l’extrême prudence de son soutien aux Américains en Irak infirme cependant. Le Vatican reste fermement opposé à la guerre. Mais il s’agit là d’une « intervention licite » pour « arrêter » un « agresseur injuste », action qui, du reste, aurait dû être validée par les Nations unies, insiste le souverain pontife. C’est la théorie de la « guerre juste », comme dernier recours et si elle est proportionnée, que François restaure. Il n’y a là aucune transgression. Elle est permise par la doctrine de l’Eglise.

Tel est le défi du nouveau pape : faire évoluer l’Eglise tout en respectant la doctrine. Il est confronté au même dilemme sur la question des divorcés-remariés, ostracisés : le Vatican promet de trouver une solution à leur accueil au sein de l’Eglise à la faveur d’un synode sur la famille en octobre.

Diplomatie, divorcés-remariés, réforme de la curie… La tradition de l’institution catholique interdit une révolution telle qu’un Matteo Renzi peut l’insuffler à l’Italie. Sans doute, la volonté de l’ancien cardinal Bergoglio, qui a fait de la proximité avec le peuple un mode de vie, n’est-elle d’ailleurs pas de restaurer une Eglise actrice du pouvoir. Il se verrait reprocher les dérives que l’on dénonce aujourd’hui dans l’islam politique. Il n’empêche, même limité par une marge de manoeuvre étroite et contraint par la sécularisation des sociétés occidentales, le pape François fait preuve d’une audace réjouissante qui contribue à un renouveau de l’Eglise. Au conservatisme frileux, il substitue convivialité et pragmatisme. C’est le meilleur moyen d’attirer de nouveaux fidèles. Dans une interview récente au Vif/L’Express (no26 du 27 juin), l’ancienne otage franco-colombienne Ingrid Betancourt synthétisait son action par ces mots : « Il fait. On réfléchit. Et on comprend mieux qui est Dieu. » Un bel hommage.

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