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L’art de Lucky Luke

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Tout le monde, absolument tout le monde, connaît Lucky Luke, le cow-boy qui tire plus vite que son ombre. Lucky Luke, mais aussi Jolly Jumper, Rantanplan, les Dalton…

Tout son entourage, et même quelques ennemis. Mais combien sont dans le même temps capables de citer Morris, son inventeur et dessinateur pendant près de 60 ans ? Un auteur, mort en 2001, qui lui aura consacré la totalité de sa vie d’artiste, de sa première planche à sa mort… Un dévouement rare à une série interminable, non terminée et depuis toujours (très) populaire, qui a longtemps, aux yeux des esthètes et des rares savants du Neuvième Art, relégué Morris comme tant d’autres à l’ombre des très rares auteurs à être plus connus que leur création – on pense évidemment à Hergé, à Franquin, à Tardi, peut-être à Moebius… Il faudra désormais, aussi, penser à Morris, qui aura attendu les 70 ans de son cow-boy et une année 2016 où il n’y en aura eu que pour lui, pour enfin toucher à cette reconnaissance artistique qui le fuyait de son vivant. Cet hommage tardif a démarré au dernier festival international d’Angoulême, avec une exposition enfin digne de sa carrière, et une monographie du même nom, « L’art de Morris », absolument remarquable. Il s’est poursuivi avec la création de deux « one-shots » de Lucky Luke à la fois très proches et très différents de ceux de Morris. Et s’achèvera avec la parution d’un nouvel album de la série-mère, dont le destin est désormais aux mains de Jul et Achdé. Le Hors Série que vous tenez entre les mains se veut dans la même veine : un hommage enfin vibrant et on l’espère complet à cet auteur encore mal connu du grand public, et dont l’apport à la grande histoire de la bande dessinée ne se limite pas aux bons mots et aux coups de colt de son cow-boy.

Maurice de Bevere ne s’est pas contenté de faire partie des pionniers, il est l’un des rares créateurs d’univers au sein desquels chaque facette de son art forment un tout cohérent : que serait Lucky Luke sans les « singing cowboys » et les serials des années 20 et 30, chers au petit bruxellois qu’était Maurice de Bevere ? Sans ses envies avortées d’animation, pour laquelle il pensait être fait, comme son ami André Franquin ? Sans ses années américaines et sa rencontre, à New York, avec Harvey Kurtzman, l’équipe du « Mad » et leurs manières de faire ? Sans sa rencontre, quelques mois plus tôt, avec René Goscinny, le scénariste qui fera de Lucky Luke ce qu’il est devenu : une icône populaire à l’identité forte, faite de bons mots, de clins d’oeil et de clichés western mieux dressés qu’au rodéo. Une identité qui passe évidemment par la vista de son dessinateur et artisan, qui connaissait son art mieux que personne – ce fut d’ailleurs Morris qui popularisa, dans Spirou, le terme de Neuvième Art. Dynamisme, cadrage, mise en page, mouvements, couleurs… Le dessinateur de Lucky Luke a inventé bien plus qu’un personnage mythique, il a définit des manières de faire et de raconter des histoires en images dont, désormais, les plus pointus se revendiquent : Blutch, Jean-Christophe Menu, Christophe Blain… Tous doivent beaucoup à Morris. Comme sans doute tous ses lecteurs.

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