Léopold 1er © Wikipedia

L’amour à la cour de Belgique: entre désillusions et scandales

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Entre épouses, maîtresses et favorites, la vie sentimentale des deux premiers rois des Belges n’a jamais été simple. Et bien des membres de la famille royale ont connu désillusions, trahisons et scandales.

Sous les ors des palais, les amours royales ont toujours fait rêver. Elles n’ont pourtant pas été souvent idylliques à la cour de Belgique. L’album sentimental des Saxe-Cobourg abonde en pages dramatiques, où se mêlent désillusions, trahisons et scandales. Au point que l’on avait fini par croire que le bonheur n’était pas un sentiment permis aux princes.

Les mariages ont longtemps respecté la tradition des unions diplomatiques et dynastiques, qui laissent peu de place aux élans du c£ur. « Au XIXe siècle, remarque l’historien et scénariste Patrick Weber (1), le roi des Belges épouse avant tout un  »ventre » : la mariée est appelée à perpétuer la monarchie. L’amour charnel, le souverain va le chercher ailleurs, comme au temps du Roi-Soleil. Pour autant, les maîtresses de Léopold Ier et de Léopold II, même Arcadie Claret et Blanche Delacroix, les favorites des deux souverains, n’ont eu aucune influence politique. »

Léopold Ier, prince séduisant

Bien avant de devenir le premier roi des Belges, Léopold manifeste déjà un solide appétit sensuel. « Dans le duché de Cobourg, le troussage de paysannes lui fait prendre conscience de son charme », raconte Weber. Napoléon avouera dans ses Mémoires que le prince allemand, qui séjourne à Paris en 1806, est « le plus beau jeune homme qu’il ait vu aux Tuileries ». Lors de sa conquête de la fantasque Charlotte, héritière présomptive de la couronne d’Angleterre, Léopold expérimente une autre facette de son pouvoir de séduction : la sérénité qui inspire confiance.

Mais celle qu’il appelle sa « petite souris blanche » meurt en couches un an après le mariage. Pour chasser son spleen, le prince romantique voyage et continue à aimer les femmes. Il installe une actrice, Caroline Bauer, près de sa résidence de Claremont House. Devenu roi à Bruxelles, il renvoie la comédienne à Berlin : elle n’aurait pas fait une reine présentable.

En 1832, il lui faut convoler pour assurer le futur de sa dynastie et obtenir des appuis à l’étranger. Son épouse, la trop sage Louise-Marie d’Orléans, doit vite composer avec ses maîtresses. Arcadie Claret est encore mineure quand Léopold Ier en tombe amoureux. Pour éviter le scandale, elle est mariée à un homme de confiance du roi, vite envoyé en mission à l’étranger. On reproche à la belle d’exhiber comme un trophée le bâtard qu’elle a eu du roi. Des inconnus vont jusqu’à jeter des légumes pourris sur ses fenêtres, au n° 228 de la rue Royale. La liaison du souverain avec Arcadie durera vingt ans et deux fils en naîtront, titrés barons en 1862.

Une sulfureuse maîtresse

Léopold II partage avec son père une conception toute relative de la fidélité. Son hymen diplomatique avec Marie-Henriette, la fille de l’archiduc Joseph, palatin de Hongrie, est un désastre. Le couple est mal assorti. Les souverains font chambre à part, puis ville à part. Pour assouvir ses pulsions, le don Juan royal se rend à Paris, où il entretient des relations avec des belles de passage. Il recourt même aux petites annonces pour dénicher la perle rare, racontera son valet. Son goût le porte vers les jeunes « noires » – en fait, des brunes -, dotées de formes généreuses.

Blanche Delacroix, une Française à la jeunesse agitée et bien résolue à ferrer un gros poisson, n’a que 16 ans quand elle rencontre le roi des Belges. Devenu veuf, il la fait baronne de Vaughan, au grand dam de ses concitoyens et de la cour. Le monarque lui aménage, à Laeken, une luxueuse demeure, la villa van der Borght, qu’il rejoint chaque jour par un petit pont pas très discret. « Très-Belle » lui donne deux garçons, Lucien et Philippe. Il épouse sa « du Barry » à la mode belge cinq jours avant sa mort. Mais quand le roi Albert vient s’incliner devant la dépouille de son oncle, la baronne doit s’esquiver et quitter le pays, non sans emporter, en douce, six malles « congolaises », un trésor destiné à assurer ses vieux jours.

On ne touche pas à des légendes

Le couple que forment les nouveaux souverains est très complémentaire : Albert est lent, pessimiste, anxieux et grand. Elisabeth apparaît vive, enjouée, curieuse et menue. « Entre 1919 et 1934, la monarchie belge connaît un âge d’or, où chacun des partenaires de la « paire royale » gagne pourtant une certaine indépendance, remarque Weber. Anticonformiste, la reine voyage, a ses enthousiasmes et des petites lubies. Le roi semble en retrait, toujours sérieux. Il y a eu, sans doute, des coups de canif dans le contrat de mariage, mais la presse et l’opinion, subjuguées par ces légendes vivantes, ne se posent pas de question : on ne touche pas à des héros. »

A l’instar de son père, le futur Léopold III ne se laisse pas dicter sa conduite en matière de sentiments. Véritable prince charmant, le duc de Brabant possède tous les atouts pour séduire. En 1926, c’est le coup de foudre pour Astrid, nièce du roi de Suède. Le jour des fiançailles, Elisabeth tient à faire savoir à la presse que son fils fait un « mariage d’amour », que « rien n’a été préparé ». La monarchie belge a changé : les unions diplomatiques appartiennent au passé. Mais aux jours heureux succède la tragédie : l’accident mortel de Küssnacht. Pour le bon sens populaire, Astrid vivante aurait pu empêcher nombre d’événements funestes survenus par la suite.

Quand, en 1941, dans une Belgique occupée, le roi veuf épouse Lilian, une femme au physique de star de cinéma, le peuple se sent trahi. « Les bruits les plus divers vont courir à propos de l’influence de la princesse de Réthy sur le souverain et les princes, rappelle Weber. Pourtant, elle ne se préoccupait pas de politique. »

Fabiola, Paola, Delphine

Baudouin, lui, est l’homme d’un seul amour. Une étrange entremetteuse, la religieuse irlandaise Veronica O’Brien, serait à l’origine de la rencontre entre le roi célibataire et l’aristocrate espagnole, qui partageaient une foi intense. Mais, à l’époque, c’est la blonde Paola, l’épouse italienne du prince Albert, qui étincelle à la couverture des magazines. Au début des années 1970 se propagent les premières rumeurs : lassée par le protocole, Paola renoue avec la dolce vita qu’elle avait abandonnée dans les rues de Rome. Le couple n’y résiste pas. Car, de son côté, Albert est resté amateur de belles femmes. « On raconte que Fabiola a joué un rôle essentiel dans le rapprochement des époux », rapporte Weber.

Bien plus tard, alors qu’Albert et Paola, montés sur le trône, ont retrouvé l’harmonie, le passé refait surface : à l’instar de Léopold Ier, de Léopold II ou du régent Charles, Albert II a, lui aussi, un enfant adultérin. Les Belges découvrent le visage de Delphine Boël et écoutent le message de Noël 1999, dans lequel le roi reconnaît que son couple a traversé des orages. Mais Delphine ne connaîtra pas le destin de Mazarine, la fille cachée du président Mitterrand. « Nos souverains ne tiennent pas à jouer à la famille moderne recomposée, explique Weber. Paola reste italienne et veille avec une jalousie de louve sur sa famille. »

(1) Auteur d’ Amours royales et princières. Mariages, liaisons, passions et trahisons de la cour de Belgique. Editions Racine.

OLIVIER ROGEAU

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