Gérald Papy

Kompany 1 – De Wever 0

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

C’est Luc Van der Kelen, au terme d’une carrière d’éditorialiste dans le quotidien le plus lu de Flandre, Het Laatste Nieuws, qui, le premier, a mis en exergue l’impact de l’engouement renouvelé pour les Diables Rouges : « Le plus grand ennemi de Bart De Wever, c’est Vincent Kompany. »

Et si la popularité des footballeurs belges, à son zénith dans les mois précédant la Coupe du monde au Brésil en juin 2014, venait hypothéquer la victoire annoncée du parti nationaliste flamand N-VA à la « mère de toutes les élections » quelques semaines plus tôt ? Les interférences du sport dans la politique ne manquent pas dans l’Histoire. Mais de là à penser que l’aventure, aussi brillante soit-elle, de vedettes du ballon rond puisse influer sur un résultat électoral, il y a une marge – et un fantasme francophone ? – qui peut légitimement laisser sceptique. Quoique…

Analysons d’abord l’ampleur du « phénomène Diables Rouges ». Dixième au classement de la Fédération internationale de football, l’équipe nationale belge n’a jamais connu position aussi enviable (le palmarès existe depuis 1993). Elle a effectivement toutes les cartes en main pour se qualifier pour le Mondial 2014, ce qui ne lui est plus arrivé depuis 2002 (au Japon et en Corée du Sud). Surtout, elle dispose de stars de valeur mondiale.

Il y a sept ans, Vincent Kompany-le-précurseur quittait Anderlecht pour rejoindre Manchester City, via Hambourg. Aujourd’hui, six des sept clubs qui ont terminé en juin 2013 aux premières places du championnat d’Angleterre, le plus huppé de tous, ont un ou plusieurs joueurs belges comme piliers (Manchester City, Chelsea, Arsenal, Tottenham, Everton, Liverpool). C’est cette floraison de talents exceptionnels, favorisée par la « merchandisation » du football, qui fait de la génération actuelle des Diables Rouges une histoire unique, avec laquelle les époques de Paul Van Himst ou d’Enzo Scifo ne peuvent rivaliser.

Ceux qui se remémorent la ferveur qui s’est emparée de la Belgique après la 4e place des Diables Rouges au Mondial 1986 au Mexique savent l’impact que pareil succès peut avoir sur le moral d’une nation. L’expérience indique qu’elle sert en général les gouvernements en place (cfr le mariage de Philippe et Mathilde sur l’équipe Verhofstadt). En l’occurrence, dans une Belgique qui, selon les points de vue, se fédéralise ou se délite, tout ce qui conforte le sentiment national est a priori de nature à nuire aux visées indépendantistes d’un parti comme la N-VA. L’embarras à peine voilé des amis de Bart De Wever sur la question en témoigne. Mais dans quelle mesure ? Cosmétiquement ou de manière plus substantielle ? Avec quelle éventuelle répercussion sur une campagne électorale ? Bien malin qui pourrait le diagnostiquer.

Vincent Kompany et Eden Hazard rejettent vraisemblablement le rôle que certains veulent leur attribuer (quoiqu’un célèbre tweet du premier pourrait laisser planer le doute). Il n’en reste pas moins qu’ils figurent aujourd’hui parmi les meilleurs footballeurs au monde, sont indispensables au succès de l’équipe belge, sont francophones ou assimilés (le capitaine Kompany est parfait bilingue), symbolisent une modernité et une audace qui séduisent les jeunes et balaient de la sorte l’image du « Wallon fainéant, dépensier et assisté » trop souvent véhiculée par les nationalistes flamands. Ce seul paramètre ne décidera pas de l’issue d’une élection. Mais qui, à neuf mois de l’échéance, oserait affirmer que conjugué à d’autres facteurs, il ne contribuera pas à entraver la marche « triomphale » de Bart De Wever ?

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