L'Alyah, ou le retour des Juifs en Israël. © BELGA

Juifs de Belgique : pourquoi ils restent

Malgré l’attentat meurtrier contre le Musée juif, il y a un an, l’appel au secours des juifs a été entendu tardivement. En butte à un antisémitisme du troisième type basé sur la diabolisation d’Israël, cette petite communauté hésite sur son avenir en Belgique.

Quand il était vice-président du Congrès juif européen et président du Comité des organisations juives de Belgique (CCOJB), Maurice Sosnowski, anesthésiste à l’Institut Bordet, avait été reçu par François Hollande. Les premiers mots du président de la République française avaient été ceux-là : « Comment retenir les juifs en France ? » L’alya, ou « montée » vers Israël, prenait un tour préoccupant : 7 231 départs en 2014 contre 3 293 en 2013 sur une population de 550 000 juifs français. C’était avant l’électrochoc Charlie et la déclaration fougueuse du Premier ministre, Manuel Valls : « La France sans les juifs de France n’est pas la France. »

Et la Belgique, un an après les assassinats au Musée juif, à Bruxelles, le 24 mai de l’année dernière, qui ont enlevé la vie à quatre personnes ? Les chiffres de l’Agence juive montrent que, sur une population d’environ 30 000 individus se rattachant au judaïsme, l’alya a concerné 0,86 % d’entre eux en 2014. C’est moins qu’en France (1,3 %), mais quand même préoccupant ; 266 juifs belges ont, en effet, émigré vers Israël en 2014 contre 273 en 2013, 162 en 2012, 211 en 2011 et 239 en 2010 (118 en 2005). Ces chiffres ne reflètent pas l’entière réalité. Ils ne disent rien des départs vers d’autres pays, dont les motivations sont comparables à celles des non-juifs. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes diplômés complètent leur cursus à l’étranger et s’y installent après leurs études: Grande-Bretagne, Etats-Unis, Canada, Australie, etc. D’autres émigrent pour trouver un job à leur goût ou une ambiance plus excitante que celle de notre pays. Hémorragie de forces vives… Le climat actuel, où de jeunes parents conduisent leurs enfants à l’école sous l’oeil vigilant de soldats, n’aide pas.

« Personnellement, je ne me suis jamais sentie en danger », déclare l’avocate Michèle Hirsch. Elle défend le CCOJB dans le dossier Wybran (un professeur de l’ULB assassiné en 1989) et dans l’affaire de la tuerie du Musée juif de Bruxelles. Elle est donc bien placée pour savoir que l’antisémitisme est en recrudescence, et qu’il tue. « Contrairement au gouvernement français, une grande partie du monde politique belge est dans le déni, poursuit-elle. Je déplore profondément les réticences de la plupart de nos mandataires politiques à nommer un attentat antisémite au lendemain des assassinats du Musée juif et ce, à la veille des élections. Nos politiques devront apprendre à nommer l’antisémitisme pour le combattre. » Cela étant, pas question d’abandonner le terrain aux extrémistes : « Les militaires devant des crèches juives, ça, c’est une réalité, mais le combat, je le mène ici, aux côtés de tous les démocrates, en luttant contre toute forme de racisme. »

Des volontaires patronnés par le CCOJB et le Consistoire central israélite de Belgique ont lancé le site antisemitisme.be, qui répertorie et vérifie les propos et actes à caractère antisémite. Ses signalements font foi. Les mêmes acteurs institutionnels ont mis sur pied une cellule de crise destinée à accroître les facultés de résilience de la communauté juive. Elle a montré une belle efficacité en mai 2014. « Notre contre-exemple était ce qui était arrivé à la communauté juive d’Argentine, lors des attentats à la voiture piégée de 1994 (NDLR : 85 morts et 300 blessés), explique Jonathan Biermann, porte-parole de cette cellule. Elle ne s’en est jamais relevée. » La résilience implique de travailler à un avenir commun, décloisonné. Lui-même se définit comme un produit du « ghetto », comme disent avec humour les juifs intégrés dans la vie communautaire. Plutôt à droite, avec un passé dans les mouvements de jeunesse et le sport. Arrivé à l’université à l’âge de 17 ans, il a un choc, puis une révélation. « Au Librex, dit-il, je me suis découvert plus d’affinités avec les gens d’en face, de l’extrême gauche. Ma culture, c’est la valise où sont mes valeurs. Les autres ont la leur, c’est cela qui compte. »

Le dossier intégral dans Le Vif/L’Express actuellement en vente

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