Montasser AlDe'emeh © .

« Il est scandaleux que les autorités n’imposent pas d’exigences linguistiques aux imams »

Spécialiste de la radicalisation islamique et du jihad international, le chercheur Montasser AlDe’emeh explique qu’il voit toujours passer les jeunes musulmans sur le point de partir en Syrie. Il les reçoit dans son studio à Molenbeek.

Il y a quelque temps, AlDe’emeh a reçu un garçon de son quartier, fermement décidé à partir en Syrie. Il hésitait à se joindre au Front Al-Nosra ou à l’État islamique. « J’essaie de dialoguer avec eux, d’écouter leurs arguments. J’ai réussi à persuader certains de l’utilité de leur présence en Belgique, mais à présent ce garçon se bat en Syrie ».

Il se dit frustré par le manque complet d’organisation de la communauté musulmane belge. « C’est une honte qu’après cinquante ans les imams ne parlent toujours pas néerlandais ou français, parce qu’on doit encore les importer du Maroc ou de l’Arabie saoudite. Il est carrément scandaleux que les autorités n’imposent pas d’exigences linguistiques aux imams. On ne peut pas s’attendre à ce qu’un imam qui ne parle pas la langue, s’occupe de l’engagement social des jeunes. Cela relève de la responsabilité de tous. Non seulement de la communauté musulmane, mais aussi de l’état ».

« Cette situation illustre le manque de reconnaissance des musulmans dans notre pays » estime AlDe’emeh. « Beaucoup de Belges ne tiennent toujours pas compte du fait que 600.000 musulmans vivent en Belgique. Nous sommes tout au plus tolérés, mais pas reconnus. Je trouve grossier d’être toléré. « 

« Ce manque d’organisation et de reconnaissance a produit une génération de musulmans qui connaissent très peu l’Islam et qui se prennent pour Dieu sur Terre. Je trouve que beaucoup de musulmans se comportent de manière ingrate. Ils s’insurgent contre l’Occident, comme si tout le monde était raciste. Ils ne voient pas les chances que leurs parents ont reçu ici. Le racisme est un grand problème en Belgique, mais je trouve qu’il faut également tenter de comprendre les racistes. Personne ne naît raciste ».

Selon lui, la politique de déradicalisation des autorités belges ne sert à rien. « Vous pouvez rédiger mille projets, si l’initiative ne vient pas de la communauté musulmane, le problème ne sera jamais résolu. Il faut d’ailleurs veiller à ce que ces projets ne radicalisent pas encore davantage les jeunes. L’état sous-estime le désir d’activisme politique auprès des jeunes musulmans. Si ces jeunes s’étaient sentis représentés dans la société, ils n’auraient pas rejoint Sharia4Belgium ».

AlDe’emeh partage cette désillusion politique. « Je suis content de ne pas avoir voté aux élections. Il n’y avait aucun parti qui me représentait. Pour qui dois-je encore voter ? Les socialistes ont totalement gâché leur politique d’intégration de ces vingt dernières années. Ils ont utilisé les musulmans comme bétail électoral, mais entre-temps ils ont voté l’interdiction du voile. Je préfère un N-VA conséquent à un socialiste inconséquent ».

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire