Les hooligans à la Bourse © AFP

Hooligans : « ils pensaient qu’ils allaient être accueillis en héros »

Le Vif

Mais que s’est-il exactement passé avec les près de 500 hooligans à la Bourse ? Retour sur les faits.

Jamais il n’y avait eu autant de hooligans en un même et seul endroit. Les chiffres parlent de 300 à 500 personnes présentes. Malgré des ambitions initiales très « pacifiques », la situation va rapidement se dégrader.

Mercredi dernier, des hooligans issus d’une bonne douzaine de clubs se réunissent dans un café au coeur de Louvain. Tous les grands clubs sont « représentés ». Ils sont régulièrement en contact pour se mettre d’accord où auront lieu les prochaines bagarres. Là, pas de baston en vue, mais bien une réunion pour unir leurs forces contre un ennemi commun. Une première, tant la rivalité entre les clubs est séculaire. Même pour les rencontres des diables rouges, une telle entente est impossible.

Les hooligans à la Bourse
Les hooligans à la Bourse© AFP

En ce lendemain d’attentat, les rancoeurs sont mises de côté et les hooligans décident de faire front commun, comme le précise De Morgen : « sans afficher leur club, sans violences ou gestes racistes ». Ils conviennent de « s’habiller tous en noir et de se placer en fin de la marche contre la peur, sans chercher la bagarre. »

Mayeur aurait été prévenu

Dès le jeudi les forces de police sont mises au parfum affirme De Morgen. « Selon les hooligans, c’est même ça qui va pousser Jan Jambon et Yvan Mayeur (PS) a faire un appel à ne pas se rendre à Bruxelles. »

Un appel qui sera largement snobé par les hooligans puisqu’ils décident de se rassembler vers 13 h, le dimanche, à Vilvoorde. Ceux qui sont venus en train sont contrôlés, mais les autres sont laissés tranquilles.

Selon le site Walfoot, « il y avait beaucoup de Firms (nom d’un groupe de hooligans d’un club) de plusieurs clubs belges. Des Wallons, des Flamands et même des hooligans du canton de l’est (Eupen). Il y avait plus de 150 hooligans d’Anderlecht. Ceux du Club de Bruges, de Gand et de l’Antwerp étaient plus de 70, accompagnés par ceux du Beerschot (30), du Standard (20) de Charleroi (15) de STVV (15), le Liège, du RWDM, de la Louvière et donc de l’AS Eupen. »

Le chef de la police de Vilvoorde tente alors de négocier avec quelques leaders du mouvement. Après un court contact téléphonique avec le bourgmestre de Bruxelles, le chef de police annonce qu’une « manifestation tolérée » est permise entre la gare du Nord et la Bourse toujours selon De Morgen. Techniquement, elle n’est donc pas autorisée, mais on ne va pas non plus tout faire pour l’arrêter. « Vous serez escorté par la police et au moindre signe de violence, celle-ci va intervenir » prévient alors le chef de la police.

Les hooligans à la Bourse
Les hooligans à la Bourse© AFP

Lorsqu’ils arrivent à la Bourse vers 14h45, précédés par une voiture de police, en rang serré et tout de noir vêtu, les hooligans applaudissent. Mais ils sont les seuls. Il faut dire que parmi les personnes présentes sur place, l’ambiance est bon enfant et au recueillement. Leur arrivée massive va glacer l’atmosphère. Selon Manuel Abramowicz, rédacteur en chef de RésistanceS journal d’investigation sur l’extrême droite belge, cité par De Morgen : « les hooligans venaient rendre hommage aux victimes et s’attendaient à être reçu comme de véritable héros. »

La réaction virulente des gens présents à la Bourse va donc les laisser pantois selon plusieurs hooligans. Il n’est à ce point pas inutile de préciser que les témoignages divergent sur qui a « provoqué » qui. Pour certains ce sont les hooligans qui vont entrer sur la place en criant des slogans racistes, alors que d’autres stipulent que ces derniers vont être directement vilipendés par les gens présents sur place à coup de slogans antifascistes. Les hooligans seront hués, certains vont même se faire cracher dessus.

Quoi qu’il en soit, très vite, le ton monte. Quelques hooligans font le salut nazi. Selon la journaliste du Monde, certains des ultras se seraient avancés en criant « Fuck IS (Islamic State) et « On est chez nous, on est chez nous ! ».

Des supporters vont alors quitter le groupe, car « le noir, c’était pour le deuil, pas pour autre chose… » et qu’ils ne cautionnent absolument pas les propos d’extrême droite. « On est des ultras de foot, on n’a rien à voir avec la politique. On est ici pour les victimes et leur rendre hommage », a assuré Andres, un supporteur du FC Bruges à l’AFP.

Les hooligans à la Bourse
Les hooligans à la Bourse© AFP

La police intervient seulement vers 15h05 pour entourer la Bourse et tente de ramener les hooligans vers la gare du Nord. En chemin, un groupe « d’ultras, la plupart au visage masqué, vont jeter tout ce qui leur passe sous la main. Vers 15h20, la police donne la charge. Les canons à eau et les gaz lacrymogènes sont activés pour faire reculer les hooligans qui n’ont pas manqué de les applaudir ironiquement en les accusant d’être des « complices de Daesh » toujours selon l’AFP. Une dizaine gens seront arrêtés.

La polémique

Cette rixe en direct devant les caméras du monde entier qui étaient encore présentes à la Bourse ne devrait pas aider à redorer le blason de la Belgique. L’évènement est pour le moins gênant.

Du coup, on a pu assister à un nouveau ballet de « c’est pas moi, c’est lui ». Le premier à dégainer a été Yvan Mayeur, le bourgmestre de Bruxelles.

Les hooligans n’ont pas encore repris leur train, qu’il va violemment invectiver le bourgmestre de Vilvoorde, Hans Bonte (sp.a), et le ministre Jan Jambon (N-VA) de n’avoir rien fait pour empêcher ça. Car, selon lui, ils auraient dû intervenir dès Vilvoorde. « Je suis scandalisé de constater que de telles crapules aux visées de nazis viennent provoquer les habitants sur les lieux de leur hommage. C’est une honte pour le pays. Nous avons été prévenus hier (samedi) par la sûreté de leur venue possible et je constate que rien n’a été fait pour les empêcher de s’y rendre. »

Selon un courrier publié par la DH, il semble que le bourgmestre a été informé dès vendredi de cette « marche » et qu’il n’aurait rien fait pour l’empêcher. Or il aurait été le seul à pouvoir interdire leur sortie du train à la gare du Nord précise encore une source du syndicat policier.

Hans Bonte refuse lui, pour l’instant, de nourrir la polémique et se borne à dire qu’il a appliqué le plan prévu. « Je suis triste d’entendre ça. J’en appelle à l’unité politique » dit-il, avant de préciser que leur venue l’a surpris. « Vendredi, l’information de cette concentration inquiétante avait circulé sur les réseaux sociaux. Tous les services concernés, dont la police de Bruxelles, avaient mis un plan d’action au point. Mais samedi, l’annulation de la marche à Bruxelles a été annoncée. Nous avons donc pensé que les hooligans ne viendraient pas, ou alors quelques-uns tout au plus. » De toute façon, « que pouvaient faire les 40 policiers présents à Vilvoorde face à près de 500 hooligans ? » se demande encore la DH.

L’autre sujet de crispation a été le refus de la N-VA de condamner explicitement le rassemblement de hooligans. Les présidents du CD&V, de l’Open Vld, de Groen et du sp.a avaient en effet condamné « unanimement », dans un communiqué commun, ces débordements. De son côté, le président de la N-VA, Bart De Wever, avait préféré garder ses distances. « Le refus de la N-VA de condamner explicitement ces fascistes prouve une nouvelle fois les liens ambigus qu’elle entretient avec l’extrême droite » tonne DéFI dans un communiqué.

Jan Jambon, lui, n’a pas souhaité s’exprimer.

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