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Harcèlement à Bruxelles : « j’ai pris l’habitude de regarder par terre et de ne pas sourire »

Un documentaire réalisé par une étudiante flamande dénonce le machisme présent au coeur de la capitale européenne. Un sujet tabou jamais évoqué dans la presse, car très vite qualifié de raciste. Mais il ne s’agit pas de cela, affirme Sofie Peeters. Il s’agit de respecter les droits des femmes.

Pas facile d’être une jeune femme dans les rues de Bruxelles. C’est ce qu’a constaté Sofie Peeters, étudiante en cinéma, lorsqu’elle en emménagé dans le quartier Anneessens au centre de Bruxelles. Elle y a réalisé un documentaire avec une caméra cachée. On la voit se promener en rue et être victime de remarques désobligeantes de la part de certains hommes et elle se fait même insulter. Ses conclusions sont dures, les femmes du quartier n’ont que deux solutions : s’adapter ou partir.

Près de la station de tram Anneessens se trouve l’IHECS, une haute école de communication où étudient en grande majorité des filles. Pour des raisons pratiques, nombreuses sont celles qui ont choisi de vivre dans le quartier. Nous avons interrogé trois d’entre elles. « J’ai plusieurs fois été sifflée dans la rue », raconte Laure. « Un homme a une fois craché par terre en me traitant de salope. Pourtant, je n’avais rien fait, je portais un pantalon ce jour-là. »

« Ce sont des hommes de tous âges, même des gamins de 14 ans »

« Une fois un garçon de 14 ans m’a demandé : « si je te donne 500 euros, tu me suces ? » », raconte Pauline. « Quand je me fais aborder, ce n’est pas toujours méchant, parfois ce sont des « compliments ». Mais si je réponds, alors je me fais insulter », explique-t-elle. « Et ce ne sont pas que de jeunes hommes, les plus âgés aussi et même des garçons de 13 ou 14 ans. »

Caroline, elle, n’a pas d’exemple particulier en tête, mais plutôt un grand nombre de situations qui l’ont mise mal à l’aise. « Je ne suis jamais rentrée seule le soir, j’ai bien trop peur », explique-t-elle.

« J’ai adapté mes trajets »

À ce sujet, les trois filles sont unanimes : elles évitent de rentrer seules le soir et elles adaptent leurs trajets, de jour comme de nuit. « J’évite les grands boulevards, là où beaucoup d’hommes traînent », ajoute Laure. « J’ai même complètement arrêté d’aller à la gare du Midi. Maintenant je vais à la gare Centrale et je fais le trajet à pied, je passe par les quartiers touristiques. »

Pauline, elle, prend le bus place du Sablon pour aller travailler plutôt que de prendre le tram à Anneessens, ce qui serait plus rapide. « Je ne me sens pas en danger », témoigne-t-elle, « mais je n’ai pas envie d’être constamment embêtée ».

« Je ne regarde plus les gens dans les yeux »

En plus de changer leurs habitudes, les filles ont également changé leur attitude en rue, pour éviter le plus possible d’avoir à subir des remarques. « J’ai pris l’habitude de regarder par terre et je ne souris pas, c’est devenu automatique », explique Pauline. « Pourtant, dès que je suis dans un autre quartier, je regarde les gens dans les yeux, ça ne me dérange pas. Je me sens bien. »

Caroline adopte également la même attitude, « je n’ai pas changé ma façon de m’habiller, mais je ne regarde pas les gens, je trace ma route », dit-elle.

Elles ont toutes les trois décidé de changer de quartier prochainement, et si l’ambiance du quartier n’est pas la seule raison de leur départ, cela fait partie de leur décision. « Je voudrais trouver un quartier plus calme », dit Laure, « un quartier où je pourrais aller partout sans craindre d’être accostée. »

« Il est temps que les choses changent »

Pauline est satisfaite de la couverture médiatique du documentaire réalisé par Sofie Peeters. « Je suis contente que quelqu’un ait enfin osé faire la démarche d’en parler, car j’ai maintenant un support et des preuves pour affirmer ce que je dénonce depuis déjà plusieurs années. Dans mon entourage (surtout les hommes), on trouve que mes propos sont déplacés ou que j’exagère. Mais ce n’est pas le cas, il y a un problème de respect envers les femmes et j’espère que cela va changer. »

Marie Gathon

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