Guillaume d'Orange © World history archive

Guillaume le Maudit, roi en Flandre

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Enquête sur le troublant retour en grâce du roi des Pays-Bas chassé par les Belges en 1830. Ou comment un roi déchu doit faire passer la naissance de la Belgique pour une erreur historique.

Viré manu militari par les Belges en 1830, réhabilité avec les honneurs par la Flandre en 2015, dans le cadre du bicentenaire du Royaume-Uni des Pays-Bas : comment le retour en grâce de Guillaume d’Orange, roi déchu, doit faire passer la naissance de la Belgique pour une erreur historique.

Guillaume Ier des Pays-Bas revient de loin. Sorti par la grande porte avec pertes et fracas par les révolutionnaires belges en 1830, le voilà qui rentre par la fenêtre avec la seule complicité de la Flandre. C’est en effet toute la Flandre qui s’est mise à sortir de l’oubli « Guillaume le Maudit » à l’occasion du bicentenaire du Royaume-Uni des Pays-Bas, constitué en 1815 sur les ruines du régime napoléonien. Colloques, conférences, publications, expos : villes et bourgades du plat pays, surtout celles jadis ralliées à la cause orangiste, multiplient les marques d’intérêt.

La Flandre politique ne pouvait manquer de tomber sous le charme de Guillaume Ier. Au printemps 2014, le parlement flamand se saisit de son dossier. Examen concluant : tous partis confondus, les députés nordistes prennent la résolution de ne pas faire l’impasse sur le bicentenaire du Royaume-Uni des Pays-Bas et de veiller à ce qu’il soit rendu hommage aux bienfaits de son souverain. Voeu parlementaire exaucé par la coalition Bourgeois I (N-VA – CD&V – Open VLD), qui l’intègre même dans son accord de gouvernement.

Geert Bourgeois, N-VA et nouveau ministre-président flamand, s’était engagé à ne pas manquer ce rendez-vous avec l’Histoire : « 2015 est un moment-charnière qui ne passera pas inaperçu. » Le Premier de Flandre est un homme de parole. Mai dernier, figé dans une posture de chef d’Etat, il pénètre cérémonieusement dans la Nieuwe Kerk de Delft, s’incline devant la dalle funéraire de Guillaume Ier, au pied de laquelle il dépose une couronne aux couleurs de la Flandre portant un ruban estampillé « Vlaamse regering. » La résolution parlementaire ne lui en demandait pas tant. Mais Geert Bourgeois n’a voulu reculer devant aucun sacrifice. Il a fallu que le nationaliste républicain quitte le royaume de Belgique pour trouver une tête couronnée digne d’être honorée. Et saluer la mémoire d’un despote certes « éclairé » mais autocratique, chez qui la démocratie ne faisait pas vraiment partie du vocabulaire.

Le numero uno de Flandre n’allait pas renoncer pour si peu. Le geste qu’il pose, avec l’assentiment des partenaires CD&V et Open VLD, passe surtout pour un pied de nez à usage interne. Sa portée saute aux yeux de Tom Verschaffel, historien à la KUL et spécialiste du XIXe siècle : « C’est un acte d’inspiration antibelge, c’est évident. A travers cet hommage rendu à Guillaume Ier, il traduit une volonté de réhabiliter le Royaume-Uni des Pays-Bas. Une appréciation explicitement positive et politique de cette période historique implique qu’il est regrettable que l’Etat belge ait été créé, que la révolution de 1830 fut une erreur. Le seul souverain que Geert Bourgeois honore est précisément celui qui a été chassé par la population belge. » Crime de lèse-majesté ? Outrage au roi des Belges devant lequel le ministre-président de Flandre a dû jurer fidélité en prenant ses fonctions en juillet 2014 ? Ingérence dans les affaires diplomatiques belges ? A peine. Tout est devenu possible au royaume de Belgique, où court toujours l’exclusion à perpétuité du trône de la Maison d’Orange-Nassau. Tenu dans l’ignorance, le niveau fédéral n’a d’ailleurs pas relevé, et le Palais royal n’a pas bronché.

Lire l’intégralité du dossier Guillaume le Maudit, roi en Flandre dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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