Simone Susskind, députée bruxelloise PS. © Debby Termonia

Génocide arménien : « Il faut accompagner les Turcs de Belgique jusqu’à la reconnaissance »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Simone Susskind, députée bruxelloise PS dénonce l’attitude du président du CDH Benoît Lutgen qui  » s’est donné bonne conscience  » en excluant l’élue belgo-turque mais a aggravé le malaise. Chargée de déminer l’affaire Kir, elle prône la voie du dialogue.

On connaissait Simone Susskind pour son travail inlassable pour la paix et le dialogue entre Israéliens et Palestiniens. La voilà mise par le PS au chevet des relations entre Belgo-Turcs et Belgo-Arméniens à la suite du refus par Emir Kir, député fédéral PS, de reconnaître le génocide arménien.

Le Vif/L’Express : Vous avez été chargée d’une mission dans l’affaire Kir. Minée ?

Simone Susskind : Au PS, la question n’est pas simple, je ne dois pas vous faire un dessin… C’est la raison pour laquelle Laurette Onkelinx m’a demandé d’essayer de mettre en place une médiation sur cette question entre nos députés belgo-turcs et des représentants de la communauté belgo-arménienne. J’ai déjà pris de nombreux contacts : cela semble possible. Tout le monde est conscient que ce n’est pas simple pour les Turc d’avancer dans ce dossier. La construction de leur identité nationale est basée sur la négation du génocide. A l’époque, en 1915, le mot n’existait d’ailleurs pas, puisqu’il a été inventé en 1944 par Raphael Lemkin, un professeur de droit américain d’origine juive polonaise.

Un travail de mémoire s’impose ?

Oui, parce qu’il n’a pas été fait jusqu’ici. Certains commencent à s’exprimer en Turquie, dont Hasan Cemal qui n’est autre que le petit-fils d’un des trois organisateurs du génocide. Mais ce n’est pas facile, des menaces ont été proférées contre eux. Chez nous chacun doit pouvoir exposer son point de vue, Emir Kir est demandeur de le faire, mais pas sur la place publique. Cela ne sert à rien non plus de mettre les représentants de la communauté belgo-turque dans un coin et de dire que ce sont des criminels.

Ce que le CDH a fait avec Mahinur Özdemir ?

En quelque sorte, oui. Or, ce ne sont pas des criminels. C’est ce que je dis à mes interlocuteurs : « Ni vous, ni vos parents, ni vos grands-parents n’ont perpétré ce génocide. » Il faut faire baisser cette tension, ce qui est d’autant moins facile que les relations entre l’Etat turc et la communauté turque de Belgique sont très fortes. Pour des élus d’origine turque, franchir un pas aussi immense par rapport à leur identité, c’est perdre tout…. Franchement, l’exclusion de Mahinur Özdemir a été violente. Je pense que cela aurait dû se passer autrement, avec un processus comme le nôtre. Ils ont des arguments à faire valoir puisque la Belgique elle-même n’a pas reconnu ce génocide. Nous avons même envoyé notre ambassadeur à Moscou le jour de la commémoration à Erevan : le niveau diplomatique le plus bas possible. Le CDH se donne bonne conscience de façon un peu facile. Notre processus est plus difficile, délicat, mais il est davantage constructif. Cela ne se fera pas en un mois, peut-être en un an.

Faut-il accompagner les Turcs de Belgique sur le chemin de la reconnaissance du génocide ?

Oui, c’est bien cela mon idée. Et accompagner les Belgo-Arméniens pour qu’ils tentent de comprendre. Le non-dialogue engendre seulement la peur, la haine et le rejet mutuel.

L’intégralité de l’entretien dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

  • La perspective de voir naître un parti communautaire turc
  • L’opportunisme d’Emir Kir ?
  • La double allégeance politique de Mahimur Özdemir ?

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