Charles Michel et Elio Di Rupo © Belga

Gauche – droite: pourquoi ça va cogner

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

En un demi-siècle, socialistes et libéraux ne se sont jamais autant déchirés que quand une crise économique frappe. C’est dire si la guerre devrait être totale au fédéral entre droite au pouvoir et gauche dans l’opposition. Avec le feu allumé en Flandre ?

Politologues à l’Université de Gand, Nicolas Bouteca et Carl Devos ont scanné un demi-siècle de positionnement des libéraux et des socialistes sur le sujet qui les fâche tant : le socio-économique. Socialistes et libéraux n’ont jamais cessé de croiser le fer sur ce terrain. Seule varie l’intensité de l’affrontement, observent les deux chercheurs. « Des périodes de convergence alternent avec des périodes de divergence. La tension connaît des hauts et des bas. » Et c’est la conjoncture qui dicte les humeurs du moment. « C’est l’économie qui influence les positions des partis. On peut difficilement prétendre le contraire », relèvent les deux politologues. Que la croissance soit au rendez-vous et les perspectives riantes, socialistes et libéraux sont parfaitement capables de se rejoindre sur les priorités socio-économiques.

On a connu des libéraux gauchisants, touchés par la grâce de l’Etat-providence, s’engager vigoureusement, à la charnière des années 1960 et 1970, dans des investissements publics en faveur de la construction d’autoroutes ou d’écoles. « Dans les années 1970, la Sécurité sociale était un thème important des programmes libéraux. L’âge de la pension pouvait être abaissé, les allocations de retraite augmentées. »

On a vu les socialistes des années 1960 sous le charme de leur aile droite, fulminer dans leur propagande contre le capitalisme pour adopter une vision pragmatique quand ils étaient aux affaires : « Les ministres socialistes voulaient avant tout stimuler la croissance économique au profit de la sécurité sociale, ce qui nécessitait un climat d’investissement favorable aux multinationales. »

Mais que la crise menace, que la situation économique se dégrade et que le chômage augmente, et c’est le coup de barre à droite comme à gauche. Le temps étant aujourd’hui à l’orage, c’est le regain de tensions assuré sur la ligne de fracture socio-économique. Sans retrouver l’intensité des antagonismes des années 1980 et 1990. Mais « les années 1970 étaient beaucoup moins polarisées qu’aujourd’hui », notent Carl Devos et Nicolas Bouteca.

D’autant qu’un nouveau venu est entré dans la danse du côté flamand et bouscule les repères. La N-VA feint de remiser ses accents communautaires pour soigner son profil de droite. Elle place résolument le curseur sur le socio-économique à l’agenda politique « La N-VA, profilée comme le parti des entrepreneurs, est devenue plus crédible que l’Open VLD pour de nombreux électeurs, par ses propositions de réforme très radicales : saut d’index, limitation dans le temps des allocations de chômage », relève Nicolas Bouteca. Qui ajoute : « Ce qui me frappe, c’est le retour d’un front syndical entre l’ACV et l’ABVV en Flandre, qui traduit un affaiblissement des liens entre l’ACV et le CD&V. » Gauche syndicale et aile progressiste chrétienne sont en ébullition au nord, elles promettent un automne infernal à l’exécutif flamand emmené par Geert Bourgeois (N-VA) et de mener la vie dure à une prochaine coalition suédoise. Et si le nord allumait le feu ?

Revue belge d’histoire contemporaine, 2014, numéro 1

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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