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France 24 a-t-elle signé son arrêt de mort en Belgique ?

Le Vif

Le torchon brûle entre France 24 et le cabinet du Premier ministre, Charles Michel, depuis la diffusion d’un reportage sur la chaîne francophone internationale. Une affaire qui pourrait prendre une tournure diplomatico-cathodique.

Il ne faut pas toucher à l’image de la Belgique et du gouvernement fédéral, sinon le porte-parole de Charles Michel, Frédéric Cauderlier peut perdre son sang-froid et sortir les dents. Vendredi dernier, à la suite d’un reportage intitulé « La Belgique, un État défaillant? » diffusé sur France 24, le sang de l’ancien journaliste n’a fait qu’un tour. « Je reste effaré par ce que j’ai pu voir, en présentant notre pays comme un failed state. Outre que c’était déplaisant, c’était surtout caricatural », explique-t-il au Vif L’Express. N’ayant pas été sollicité pour le reportage, le porte-parole prend alors contact avec la rédaction bruxelloise de la chaîne francophone pour manifester sa mauvaise humeur. « Evidemment que j’ai contesté le fond du sujet comme son manque de sérieux. Je n’avais pas l’intention de laisser passer ce que j’estime être du Belgium bashing sur une chaîne diffusée à travers le monde. Cela fait partie de mon boulot », poursuit le porte-parole du Premier ministre. Ennuyée par cette situation, et dans la précipitation, la chaîne propose alors d’inviter Charles Michel. « On a refusé parce qu’on ne peut pas libérer l’agenda du Premier ministre en trois heures », ajoute Frédéric Cauderlier qui a fait lui aussi l’objet d’une invitation de la chaîne internationale. Invitation déclinée par l’intéressé qui s’en explique : « Je ne voulais pas entrer dans un exercice de contestation en direct. »

Une contestation qui pourrait prendre une autre forme puisqu’une série d’émissions prévues en septembre en Belgique seraient purement et simplement annulées depuis la diffusion du reportage. Au cabinet du Premier ministre, on nous affirme pourtant que l’invitation tient toujours, « mais si l’idée de France 24, c’est de faire des émissions du même ordre que ce reportage, ce sera sans nous », indique clairement Frédéric Cauderlier. « En aucun cas, nous n’avons tenté de faire pression sur la chaîne. Elle reste d’ailleurs toujours informée de nos communiqués de presse. »

Nous avons essayé de joindre la journaliste de la chaîne qui a réalisé ce reportage, Kattalin Landaburu. Elle a refusé de répondre à nos questions, sous prétexte qu’on lui avait conseillé de ne pas commenter la polémique. A France 24, on est pourtant très ennuyé par la situation. Pour le directeur de la chaîne, Marc Sakali, c’est l’incompréhension. « Nous sommes blessés par la situation, mais, à mes yeux, avec ce reportage, nous avons fait simplement notre boulot. Qu’elle prenne cette tournure me désole. Est-elle due à une fatigue du porte-parole du Premier ministre ? », se demande Marc Sakali. « Nous avons consacré des centaines de reportages à la Belgique, et nous continuerons à le faire. Il n’y a aucun désamour, et Charles Michel peut venir quand il veut sur notre antenne », continue le directeur de France 24.

Mais d’après nos informations, la polémique pourrait prendre une autre allure avec la suppression possible de la chaîne d’information sur Proximus d’ici octobre. Suite à la diffusion du reportage et aux tensions qu’il suscite, la chaîne d’info sait qu’elle joue sa survie et tente d’arrondir les angles, nous dit-on en coulisse. Depuis plusieurs mois, c’est surtout une bataille communautaire qui se déroule sur le maintien de la chaîne dans le bouquet de l’opérateur national. Au point même d’inquiéter sérieusement Fadila Laanan, la Ministre-Présidente du Gouvernement francophone bruxellois. Au sein de son cabinet, on suit le dossier de près, d’autant que des contacts ont été pris avec France 24. « On sait que notre marge de manoeuvre est faible sur ce dossier, mais on sent, vu le contexte actuel, qu’il y a une volonté affichée de certains de supprimer une chaîne francophone internationale. Le reportage est désormais pour eux un prétexte pour faire disparaître France 24 », explique Jean-Pierre Boublal, directeur de cabinet adjoint.

Officiellement, la raison de cette suppression est due à des considérations techniques et commerciales. Du côté du cabinet du Premier ministre, on découvre tout simplement cette information… Quant au directeur de la chaîne, il ne voit pas de lien entre la polémique autour du reportage de France 24 et la suppression possible du bouquet de Proximus. « Et j’espère qu’il n’y en aura pas », insiste Marc Saikali.

Pierre Jassogne

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