Pascal De Sutter

Faut-il supprimer les services visant à prévenir les récidives d’actes pédophiliques?

Pascal De Sutter Psychologue politique à l'UCL

Il y a vingt ans débutait ce que l’on nomma l’affaire Dutroux. L’immense émotion suscitée par ces horribles crimes d’enfants a entraîné diverses réformes de la police et de la justice. Dans la foulée, il y eut aussi des dérives. Ainsi apparut l’utilisation abusive d’accusation de « pédophilie » à l’encontre de pères dans des cas de divorce.

Dans les milieux juridiques, on sait qu’avec certains juges, il suffit d’accuser son ex-mari d’attouchements sexuels sur les enfants pour que l’homme soit systématiquement condamné. En même temps, les véritables délinquants sexuels, connus pour des actes avérés sur des enfants, ne reçoivent généralement pas le moindre traitement sexologique durant leur séjour en prison.

Heureusement, des services spécialisés effectuaient un remarquable travail de suivi et de thérapie auprès des abuseurs sexuels en dehors du milieu carcéral. Je parle à l’imparfait car le ministre de la Justice veut diminuer dans tout le pays les subsides octroyés à ces services.

Dans le cas du Centre d’appui bruxellois (CAB) pour l’orientation et l’évaluation des délinquants sexuels, cela signifie clairement qu’il devra fermer ses portes. Et laisser sans aucun suivi près de 300 délinquants sexuels dont on sait clairement qu’une partie d’entre eux récidivera. Le gouvernement régional wallon met également une pression budgétaire sur divers services qui fournissent des traitements aux délinquants sexuels. A cause de ces économies de bouts de chandelle (1), les abuseurs d’enfants seront désormais relâchés au terme de leur peine, sans traitement.

Certes, la pensée unique populaire et simpliste veut que la pédophilie soit une « maladie inguérissable ». C’est peut-être vrai pour quelques sadiques psychopathes. Mais ces prédateurs incurables ne sont qu’une infime minorité des délinquants sexuels. Tous les autres sont des hommes sexuellement dysfonctionnels qu’il est possible de traiter efficacement afin de modifier leur comportement. Et donc de diminuer le risque de récidive.

Or, il y a vraiment très, très peu de financement public pour s’occuper des délinquants sexuels. Ainsi, avec plusieurs collègues, nous avons dû renoncer à des projets de recherches scientifiques sur le traitement ou la prévention de la pédosexualité, car aucun subside ne nous fut accordé. Les juristes, policiers, agents pénitentiaires ou autres intervenants médico-sociaux qui veulent suivre une formation universitaire sur les questions d’abus sexuels éprouvent souvent les pires difficultés à obtenir une aide financière. Or, à chaque agresseur sexuel de mineur que l’on aide à ne pas recommencer correspond, au moins, un enfant qui ne sera pas agressé par un récidiviste. Traiter les abuseurs signifie clairement réduire les abus sexuels.

Personnellement, je peux comprendre que la société ne soit pas responsable des déviances sexuelles de certains. Mais je trouve intolérable que des abuseurs sexuels – connus et condamnés – récidivent parce que nos gouvernants veulent réduire le financement de leur surveillance et leur traitement. Le salaire faramineux que l’Etat octroie actuellement à un seul PDG (de certaines entreprises publiques) suffirait à payer l’ensemble des psycho-sexologues et professionnels nécessaires au suivi de tous les délinquants sexuels connus. J’espère que nos dirigeants reverront leur attitude. Car j’aurais honte de vivre dans un pays où l’on trouve de quoi payer grassement les grands patrons du secteur public, mais où l’argent manque pour éviter que des enfants ne se fassent violer par des récidivistes. Mais rien ne vous oblige à ressentir la même indignation que moi…

(1) Pour exemple, le CAB emploie seulement une secrétaire à temps plein et trois psychologues/sexologues mi-temps, dont la directrice.

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