François de Smet © Debby Termonia pour Le Vif

Faisons fi du politiquement correct, « acceptons que les gens s’engueulent »

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Dans un essai, le philosophe belge interroge notre pratique du politiquement correct. Il revendique le droit à l’offense mais regrette qu’il soit utilisé à tort et à travers. La liberté d’expression, ça s’apprend.

Philosophe, écrivain, chroniqueur radio et télé à la RTBF, François De Smet publie Reductio ad Hitlerum, une théorie du point Godwin (Presses universitaires de France, 161 p.). Derrière ce titre un peu hermétique, l’auteur décrypte la signification de ce qu’on appelle le « point Godwin ». Identifiée par l’avocat américain et utilisateur précoce des réseaux sociaux Mike Godwin, cette théorie expérimentale, avant d’être scientifique, établit que plus une discussion sur le Net se prolonge, plus grande est la probabilité d’une allusion au régime nazi et à Hitler, discréditant son auteur. Extraits de l’interview accordée au Vif/L’Express.

Levif.be : L’essor des réseaux sociaux ne favorise-t-il pas les réactions de meute ?

>François De Smet : Il faut avoir, sur les réseaux sociaux, la modestie de reconnaître que l’on en n’est qu’aux balbutiements. Dans les années 1950, on idéalisait le monde tel qu’il est maintenant. Pourtant, on se rend compte aujourd’hui qu’il est anxiogène parce que la liberté d’expression, l’une de nos dernières certitudes démocratiques, est anxiogène. Le principal problème des réseaux sociaux est l’exigence de cohérence qu’ils réclament. J’écris un tweet comme je parle et cela prend la valeur d’un écrit que j’aurais signé. L’époque nous demande d’avoir des opinions tranchées sur tout. Or, on a aussi le droit de ne pas avoir d’opinion sur un sujet, de s’excuser, de changer d’avis. L’amour de la force et l’amour de la cohérence sont très proches. Les fanatiques sont des afficionados de la cohérence afin que tout puisse avoir un sens.

Vous dites aussi qu’Internet est un « coffre à trésors impensable de bêtise humaine ». Faut-il davantage légiférer ?

>A chaque fois que l’on interdit, on offre une aura sulfureuse à l’objet censuré. Ce qui m’épate aujourd’hui, c’est cette conviction sincère chez beaucoup qu’on peut contenir les idées dangereuses en les enfermant dans un enclos par des interdits. Le résultat sera plus probant par l’éducation, en rendant les gens intelligents individuellement pour se forger leur propre opinion.

Etes-vous pessimiste sur l’avenir de la liberté d’expression ?

>1. Il faut que tout le monde accepte que la liberté d’expression implique le droit d’offenser, de blesser et d’inquiéter. 2. Il faut qu’on l’utilise de manière un peu plus intelligente. J’ai le droit d’être offensant, blessant, inquiétant, ce n’est pas pour cela que c’est, à chaque fois, l’idée du siècle. Aujourd’hui, il y a énormément de manifestations de la liberté d’expression de ce type. On a besoin de mieux l’utiliser et de ne pas vouloir tout réguler par le droit. Acceptons que les gens s’engueulent. Veut-on que tous, nous pensions la même chose ? On n’arrête pas de dire que l’intelligence, c’est le doute et la remise en cause. Et, en fait, on aime la cohérence et la force. On ne peut pas s’en empêcher.

Entretien : Gérald Papy

Lire l’intégralité de l’interview de François De Smet dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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