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Etre exclu du chômage, plus qu’une sanction, une injustice

Six mois à un an après avoir été exclues du chômage, les personnes concernées disent vivre cette sanction comme une injustice et la contestent, ressort-il samedi d’une étude de l’Université catholique de Louvain (UCL), mandatée par l’Observatoire bruxellois de l’emploi d’Actiris, qui a interrogé 55 d’entre elles.

Les institutions auxquelles les chômeurs font ou ont fait face sont en outre jugées froides et imperméables aux vécus individuels. Les chercheurs concluent à un échec « sans appel » de la politique d’activation de la recherche d’emploi pour cette catégorie de demandeurs d’emploi.

Près de 20.000 personnes sans-emploi ont été exclues du chômage en janvier 2015 à la suite de l’entrée en vigueur de la limitation des allocations d’insertion à trois ans décidée en 2012. Cinquante-cinq d’entre elles se sont confiées aux chercheurs. D’après eux, une différence « flagrante » réside dans la manière dont la notion de recherche d’emploi est définie par les autorités et par les chercheurs d’emploi. « La plupart des personnes exclues ne passent pas leur journée devant un ordinateur à envoyer des CV pour ensuite passer des entretiens comme le voudraient les autorités. Généralement, ces personnes recherchent des emplois non qualifiés où le système est tout autre. On trouve par le bouche à oreille, en passant démarcher directement les potentiels employeurs, en faisant d’abord ses preuves bénévolement ou sans être déclaré. Ce qu’elles ne peuvent évidemment pas dire aux personnes qui les contrôlent », commente ainsi Marc Zune, chercheur à l’Institut d’analyse du changement dans l’histoire et les sociétés contemporaines de l’UCL.

A ses yeux, « le resserrement des règles du chômage a tendance à écarter des personnes aux profils d’emploi ou de vie qui s’éloignent d’une norme absolue, celui de l’emploi à temps plein et stabilisé ». Les personnes particulièrement précarisées ont en outre également d’autres préoccupations reléguant, par moments, la recherche d’emploi au second plan: nourrir une famille, faire des fins de marchés pour ramasser les invendus, se loger ou faire face au surendettement. Cela « alors que les institutions attendent des actes, formels, constants et intensifs ».

Ces différences de vue tendent à créer un fossé entre les exclus et les institutions, certaines personnes rejettant celles-ci. « Leurs recherches ne s’inscrivant pas dans le canevas institutionnel, elles ne pouvaient se justifier lors des contrôles qu’elles vivaient alors comme une injustice. Elles avaient beau faire des efforts, ils ne se voyaient pas et n’étaient donc pas pris en compte. » Vient encore s’y ajouter la violence administrative de la lettre annonçant l’exclusion, relèvent les chercheurs. Une fois l’exclusion décidée, les allocations de chômage sont suspendues. Mais aucune autre solution n’est automatiquement mise en place, constatent-ils. Il revient alors à chacun la responsabilité de trouver une solution.

Le recours au CPAS, dégradant

Le recours au CPAS est possible mais souvent vécu comme dégradant et dévalorisant et son offre est rarement perçue comme adaptée. « L’exclusion génère très clairement des processus marqués de dévalorisation, de dégradation et de paupérisation qui affectent tant les exclus que leur entourage », estime Marc Zune. « L’échec de cette politique d’activation de la recherche d’emploi est sans appel pour cette catégorie de demandeurs d’emploi car il écarte du chômage des personnes qui sont encore inscrites dans le travail, qui se définissent encore comme travailleurs », concluent les chercheurs. A leurs yeux, il faut revoir les méthodes d’évaluation de recherche d’emploi, « qui reposent sur une norme abstraite et supposée universelle du comportement de recherche d’emploi ». Cela passe par un accompagnement plus global et personnalisé des chômeurs. Il est en outre nécessaire de reconnaître l’ensemble des expériences de travail (petits boulots, missions, piges, bénévolats, engagements divers, etc.) et de revoir les normes d’accès au chômage, « définies davantage en fonction de préoccupations budgétaires qu’en fonction de la sociologie de l’emploi ». Les chercheurs préconisent encore que les organismes de contrôle aient une meilleure connaissance des modes de recrutement sur les segments du marché du travail non qualifié, où il est rare de postuler par courriel.

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