Gérald Papy

Etats-Unis – monde musulman : le triomphe des extrémistes

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La vague de violences autour du film L’innocence des musulmans est un modèle d’instrumentalisation par des chrétiens fondamentalistes et par des extrémistes musulmans. Quelles répercussions aura-t-elle sur la majorité des populations américaine et arabe ? Tel est l’enjeu.

Les nouveaux dirigeants égyptiens n’avaient sans doute pas imaginé pire scénario. Venu à Bruxelles pour solliciter le retour des investisseurs étrangers, le président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, a surtout dû s’expliquer sur la vague de violences anti-américaines qui répond depuis quelques jours à la diffusion sur Internet d’un film iconoclaste sur le prophète Mahomet. Autant dire que la relance économique en Egypte attendra…

Dans cette nouvelle poussée de fièvre entre Occident et monde musulman, on peut percevoir assez rapidement l’instrumentalisation politique opérée par les extrémistes. Le film incriminé, dont la valeur esthétique semble proportionnelle à la subtilité thématique, apparaît avant tout comme un outil de propagande islamophobe commandité, selon les premiers éléments connus sur ses producteurs, par des chrétiens fondamentalistes établis aux Etats-Unis, sans doute pas mécontents de compliquer la réélection de Barack Obama à la Maison Blanche le 6 novembre. Les manifestations de haine observées de Sanaa à Dacca en passant par Benghazi et Téhéran émanent au premier chef d’extrémistes musulmans déterminés de surcroît à mettre en difficulté les nouveaux dirigeants avec lesquels ils sont engagés dans une surenchère islamiste.

Le véritable enjeu de cet accès de violence réside en vérité dans les conséquences qu’il aura indubitablement sur les relations entre les Etats-Unis et le monde musulman. A l’entame de son mandat, le premier président noir des Etats-Unis avait tendu la main aux musulmans dans son célèbre discours du Caire. Il entendait rompre avec l’image détestable de l’Amérique à laquelle la politique de son prédécesseur George Bush avait conduit. Mais malgré le retrait militaire d’Irak et le soutien aux printemps arabes, les actes du Président n’ont pas été à la hauteur des attentes. En cause principalement, l’échec de sa politique sur le conflit israélo-palestinien. Il est encore trop tôt pour affirmer que l’actuelle flambée de violence ruinera complètement « l’esprit du Caire ». Le danger existe.

Dans le monde musulman, l’évolution des relations avec les Etats-Unis et plus largement avec l’Occident dépendra de la capacité de la majorité de la population à intégrer et comprendre les principes d’une démocratie, dont la séparation du religieux et du politique, la liberté d’expression (et notamment la non-pénalisation du blasphème), l’indépendance de la justice… A cette aune, les réactions au film L’innocence des musulmans seront un éloquent test de la maturité démocratique en devenir des pays du printemps arabe et de la capacité de leurs dirigeants à faire prévaloir le droit sur la vindicte populaire.

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