Soraya Ghali

Enseignement supérieur : en route vers la culture du résultat ?

Soraya Ghali Journaliste au Vif

Jean-Claude Marcourt a mangé du lion, peut-on observer en l’écoutant sur les promesses que sa réforme Paysage (qui entre en vigueur aujourd’hui) devrait rapporter à l’étudiant. Pour ce dernier, le grand changement surtout, c’est la fin de la notion d’année d’étude : il accumule des crédits, une année comptant 60 crédits, s’il en réussit 45, il accède à l’année supérieure.

Dans ce sérail universitaire, dont on connaît les piliers et les clans, l’homme l’a porté à bout de bras, ce fameux décret Paysage. Pour rappel, celui-ci passe d’une logique confessionnelle (qui s’articulait autour de trois académies) à une logique géographique, basée sur cinq pôles regroupant universités, hautes écoles et écoles artistiques d’une même zone. Le but ? Mettre sur pied un pilotage unique de l’enseignement supérieur (ce sera le rôle de l’Ares), réduire la concurrence entre établissements, favoriser les synergies, optimaliser l’offre sur un territoire et mutualiser les moyens publics en faveur des étudiants. Promettant de « provoquer la rupture », le socialiste n’a en tout cas pas manqué de courage. Mais l’avenir dira si son décret ne se transformera pas en usine à gaz. Tandis que les honnêtes gens glisseront que, de toute façon, les piliers s’étaient déjà estompés – ce n’est pas Jean-Claude Marcourt qui y a mis fin.

Reste que jamais un ministre de l’Enseignement supérieur n’avait rempilé dans un deuxième mandat. Du coup, Jean-Claude Marcourt ne compte pas s’arrêter là. Le chantier de cette législature, il ne cesse de le répéter, c’est réformer le financement du supérieur. On ne va pas, ici, étaler les chiffres illustrant la misère de nos universités (voir l’infographie ), mais un constat : la Fédération Wallonie-Bruxelles est la seule région – ou « pays » – à dépenser plus pour un écolier ou un élève du secondaire que pour un étudiant.

Sur cette question du financement justement, on n’a pas avancé d’un pouce, jusqu’ici. Seule certitude : il sera mis fin au système de l’enveloppe fermée (c’est-à-dire financer les universités et hautes écoles selon leurs nombres d’inscrits).

Le supérieur, ce sont 650 millions d’euros, auxquels Jean-Claude Marcourt ajoutera 106 millions d’euros – c’est peu. Le ministre dit qu’il veut appliquer (voir Le Vif/L’Express du 22 novembre 2013) au supérieur le système de l’encadrement différencié : donner plus à ceux qui accueillent des publics défavorisés. Suffit-il de donner davantage aux établissements qui accueillent des étudiants moins favorisés ? Les universités constatent ainsi que les aides à la réussite et les cours de remédiation sont avant tout fréquentés par les bons étudiants, ceux qui auraient réussi sans.

Enseignement : Marcourt souhaite encourager les établissements qui accomplissent des efforts pour intégrer les étudiants à risque

Mais ce qui est plus incertain, c’est la manière dont seront désormais répartis ces moyens au sein de l’enseignement supérieur. Et là, la discussion promet de belles empoignades. Cela fera hurler. Par ailleurs, Jean-Claude Marcourt souhaite en plus encourager financièrement ceux qui jouent vraiment le jeu, c’est-à-dire les établissements qui accomplissent des efforts pour intégrer les étudiants à risque : comment s’assurera-t-il que ces moyens soient bien affectés à cela ?

On imagine bien que le politique conservera un oeil, alors que l’enseignement supérieur réclame, lui, plus d’autonomie. Mine de rien, doit-on comprendre que l’enseignement supérieur devra désormais rendre des comptes sur les dotations qui lui seront allouées et acquérir une culture du résultat ? Cela fera hurler, on vous dit, si Jean-Claude Marcourt provoque bel et bien la rupture…

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