Carte blanche

Enseignement : ne laissons pas le Pacte aux mains de McKinsey !

Dans notre représentation du monde, le-s gouvernement-s ont en charge le bien commun. Ils sont responsables de ce que les décisions prises le soient en fonction de critères qui permettent à l’ensemble de la société de mieux fonctionner. Les services publics sont en charge d’appliquer ces décisions et de les rendre accessibles au plus grand nombre. À ce jour, l’enseignement est (encore) un service public.

Le Pacte pour un enseignement d’excellence se donne comme objectif d’améliorer notre enseignement et de le rendre plus égalitaire. De très nombreux acteurs, dont CGé, se sont donné beaucoup de mal pour réfléchir et concerter des pistes d’actions cohérentes pour y arriver. Ces pistes sont compilées dans un rapport intermédiaire du groupe central qui comporte de nombreuses propositions intéressantes et qui doit maintenant être analysé dans ses impacts budgétaires et d’efficacité pour que le gouvernement se prononce sur les priorités qu’il choisit de mettre en oeuvre. Jusque là, rien que du démocratique, d’autant plus que le processus s’est voulu participatif et que les nombreux groupes ont recruté largement dans les différentes sphères de l’enseignement et de la société civile .

Pourtant, il est un acteur problématique dans la pièce au regard des éléments ci-dessous. Un acteur connu, mais qui reste discret : le bureau de consultance de McKinsey. Le Cabinet de J. Milquet l’a recruté sur base d’un marché public de 38.000 euros pour réaliser un premier rapport dans la Phase 1 des travaux du Pacte. « Le gouvernement a été informé que ce montant ne couvrait pas la totalité des prestations à effectuer par McKinsey, dans le cadre du marché, mais qu’une partie de ces prestations étaient couvertes par un mécénat de McKinsey Belgique et d’acteurs tiers  » (1) .

Le journal l’Echo parle d’un montant de 8 millions d’euros….

« Pour la phase 3 du Pacte, les prestations de McKinsey se sont inscrites dans une convention conclue à titre gratuit avec la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cette convention prévoit que le support à titre gratuit est rendu possible grâce à un mécénat de la part de l’entité belge de McKinsey et de la Global social sector practice de McKinsey, ainsi que grâce à un mécénat de fondations privées belges, à savoir la Fondation Baillet Latour et la Fondation Libeert, qui ont toutes deux pour vocation de soutenir des projets liés à l’enseignement.  » (2)

Cette réponse faite par Mme Schyns, succédant à Mme Milquet à une interpellation parlementaire semble ne faire réagir personne. Pourtant, nous soutenons qu’il s’agit là d’un « phagocytage » de la démocratie potentiellement dramatique pour l’avenir de la société en passant par celui de nos enfants. En effet, qui est derrière ces fondations ? Des familles et des sociétés parmi les plus riches de Belgique . Des familles dont les noms sont cités dans les Luxleaks, Swissleaks et Panamaleaks. Des sociétés qui ont des filiales dans de nombreux paradis fiscaux. Bref, des gens qui, d’une part, éludent l’impôt et donc, ne contribuent pas au financement public dont l’enseignement aurait bien besoin pour pouvoir se payer des experts indépendants de qualité. Et d’autre part, ils offrent des fonds qui leur servent, in fine, à se payer eux-mêmes pour intervenir dans les processus de décision politiques.

Or, que veulent-ils ? Ils le disent au travers d’autres actions que ces mêmes fondations soutiennent telles que Teach for Belgium, la Fondation pour l’enseignement ou PULSE fondation : « renforcer les ponts entre l’enseignement obligatoire et l’entreprise » (3) . Pour eux également, « diriger une école revient à diriger une entreprise  » (4)

McKinsey a une grande expertise dans le management des entreprises privées. En se positionnant comme expert en matière d’enseignement également, ils arrivent à installer cette croyance dans le « management des écoles » auprès de bon nombre de dirigeants. Cette idéologie n’est pas neutre. C’est l’esprit d’entreprendre, le management par les résultats, le leadership organisationnel, l’égalité des chances, la coopération au service de l’efficacité, la compétition économique, etc. On peut y adhérer ou non. Mais pour ce faire, il faut d’abord que l’on ait conscience que cette idéologie est présente et ensuite constater qu’elle exclut donc l’égalité des places, l’engagement démocratique, l’émancipation, etc….

Nous demandons que le processus démocratique du Pacte soit respecté jusqu’au bout : la phase capitale du choix des mesures et de l’arbitrage par le gouvernement en fonction de l’équation « efficacité – équité – efficience » doit être éclairée par un ou plusieurs acteurs compétent(s) et non susceptibles de représenter des intérêts particuliers.

CGé considère que Mc Kinsey représente les intérêts privés d’acteurs – peu éthiques de surcroit – et ne peut donc occuper cette place. Il demande au Gouvernement et à la Ministre de l’Enseignement que les experts académiques compétents sur ces questions et ayant oeuvré dans le Pacte remplissent cette fonction-clé aux côtés de l’administration.

Changements pour l’Egalité

(1) Extrait de la réponse de la ministre Marie-Martine Schyns à une question parlementaire de B. Trachte (Écolo)

(2) idem

(3) www.fondation-enseignement.be

(4) idem

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