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Enquête: les gays vus par les hétéros

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

L’Université de Liège mène actuellement une enquête exclusive sur la représentation de l’homosexualité et de l’homoparentalité chez les hétérosexuels.

L’étude, menée à l’automne 2012 via le Net, se fonde sur un échantillon représentatif très large – et c’est là une première -, soit 1 316 sondés, de 18 à plus de 40 ans, en Belgique francophone.

L’autre innovation de cette étude est d’avoir exploré le regard des hétérosexuels sur l’homosexualité, le mariage gay et l’homoparentalité. En effet, les chercheurs ont tenté de cerner ce que pèsent, sur la perception des gays, des paramètres comme l’âge, le niveau d’instruction, l’axe politique, la croyance ou le lieu de résidence. En d’autres termes : quels sont les facteurs qui, chez les hétéros, favorisent l’acceptation ou le rejet de l’homosexualité et de l’homoparentalité ?

Premier constat : en gros, les sondés, dans leur grande majorité, se disent « gay friendly ». En effet, 14 % d’entre eux déclarent être extrêmement favorables au mariage gay (1), 31 % favorables et 12 %, moyennement favorables : soit plus de la moitié (57 %).
Plus de 7 personnes interrogées sur 10 affirment qu’elles diraient oui à une loi autorisant le mariage gay.
De même, l’avis des sondés en ce qui concerne l’homoparentalité s’avère tolérant : 72 % se révèlent pour l’adoption par des couples lesbiens, et 71 % pour l’adoption par des couples gays.

N’y aurait-il pas là un effet du politiquement correct ? De nombreux homosexuels affirment rencontrer de l’homophobie autour d’eux, voire sous une forme particulièrement violente en certains endroits. Cette ambiguïté constitue un élément de l’enquête. « Les opinions ne préjugent pas des comportements effectifs de rejet, des discriminations au quotidien », précise Salvatore D’Amore, psychologue et docteur de recherche à l’ULg.

En tout cas, les résultats obtenus par ce sondage ne sont pas différents de ceux mis en évidence par d’autres études. Toutes celles sur l’union gay le démontrent : les sondés de gauche y sont plus favorables, ceux de droite, plus hostiles.
La césure est la même concernant la religion : les athées/agnostiques se montrent plus ouverts que les croyants. Un écart qui s’explique notamment, selon Salvatore D’Amore, par la « superposition des opinions tranchées des différentes composantes de chaque groupe : les plus jeunes et les moins religieux, constituant le coeur de l’électorat de gauche, sont les plus favorables à l’union gay ; inversement, les plus âgés et les plus croyants, ossature de l’électorat de droite, y sont plus opposés.
 » Enfin, de façon moins attendue, un clivage hommes-femmes se dessine, ces dernières se montrant très majoritairement pour.

Cependant, en ce qui concerne l’adoption pour les couples homos, les opinions sont moins tranchées du côté des sondés. En tout cas, leurs avis ne varient pas en fonction de l’âge, de la croyance ou de l’axe politique. Seules les femmes se montrent davantage ouvertes.
En revanche, « l’adoption d’enfants par un gay ou une lesbienne célibataire ne recueille pas l’approbation de la majorité, puisque 64 % des sondés ne se prononcent pas », décrypte Salvatore D’Amore, promoteur de l’enquête. « La réticence à l’égard du parent seul reste forte. »

L’union gay n’est donc plus un sujet de débat en Belgique. Néanmoins, des réponses viennent quand même écorner cette tolérance affichée. Ainsi des questions reprennent les stéréotypes et les préjugés courants, ceux qu’on entend quand on explore, par exemple, l’origine de l’homosexualité. Ainsi à la question « L’homosexualité est-elle un choix ? », un tiers des sondés affirment que oui. Alors que, précise Salvatore D’Amore, « l’homosexualité n’implique aucune sorte de choix ».
Tout comme 23 % des personnes interrogées pensent que les parents jouent un rôle déterminant dans l’orientation sexuelle de leurs enfants. Et 46 % estiment que l’homosexualité est déterminée par la biologie. « Certes, il y a des études qui abordent cette question. Mais, jusqu’ici, elles n’ont pas permis de mettre en avant une dimension biologique pour expliquer les comportements sexuels », poursuit le chercheur.

L’autre intérêt de l’étude est de comparer les réponses avec d’autres pays européens. Menée en collaboration avec l’Alliant International University de San Francisco, l’enquête est également conduite en France, en Espagne, en Grande-Bretagne, en Pologne, en Italie et en Grèce. Cette fois, il s’agit d’explorer si les opinions s’opposent entre l’Italie et la Grèce (qui ne reconnaissent ni le mariage gay ni l’adoption pour les couples homos) et la Belgique, par exemple.
Bref, si l’absence de législation influence l’opinion et inversement… Ces données seront livrées dans six mois.

(1) Le mariage entre personnes de même sexe est voté en Belgique depuis 2003. Les homosexuels ont par ailleurs le droit d’adopter des enfants depuis 2006.

SORAYA GHALI

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