L'aire d'autoroute de Ranst. © Google Maps

En Flandre, on abat des arbres pour attraper les migrants

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

En Flandre, de nombreux arbres sont coupés sur les aires d’autoroute pour éviter que des migrants ne s’y cachent. Une initiative contestée que personne dans le nord du pays ne veut endosser relaie De Morgen.

Sur le parking d’autoroute de Ranst, à Anvers, mais aussi sur d’autres aires de repos le long de l’E313, de nombreux arbres ont été coupés afin d’empêcher les migrants de s’y cacher avant de pouvoir sauter dans un camion et de réussir à rejoindre la Grande-Bretagne. Problème : personne dans le nord du pays ne veut endosser la responsabilité de cette initiative. D’autres politiques sont interpellés par le moment choisi pour couper la végétation, en pleine floraison et avancent que dégarnir de la sorte les abords des grands axes augmente les nuisances sonores pour les riverains.

Ranst a beau ne pas se situer directement sur la route de Calais, son parking d’autoroute est pourtant réputé au sein des migrants pour profiter d’un lift vers la Grande-Bretagne. La raison : les contrôles et les mesures de sécurité ont été successivement fortement renforcés sur les parkings de Grand-Bigard, Wetteren ou encore Jabbeke, forçant les migrants voulant rejoindre la Grande-Bretagne à se déplacer toujours un peu plus haut, vers Anvers.

L’été dernier, Jean-Claude Gunst, le directeur-coordinateur de la police fédérale de la province d’Anvers avait réuni les propriétaires des stations essence, le service public des affaires intérieur et le cabinet du secrétaire d’État à l’asile et à la migration Theo Francken suite à l’augmentation, dans cette zone, du nombre de transmigrants. Pendant cette réunion, des mesures avaient été proposées, comme reboucher des trous dans des barrières et prévoir de l’éclairage. Une autre suggestion était la suivante : abattre la végétation pour améliorer la visibilité. « Nous avions remarqué qu’à certains moments, jusqu’à 25 personnes se cachaient dans les fourrés« , explique-t-il. « Nous y avons aussi trouvé du matériel pour dormir. »

Mais qui a coupé ces arbres? Selon Gunst, aucune décision n’a été prise sur ce point lors de la réunion. Dans un tweet, l’Agence Flamande des Routes et du Trafic, responsable de ce type de travaux, renvoie vers la police et la province. Mais autant le gouverneur de la province Cathy Berx (CD&V) que la police fédérale avancent qu’ils n’ont reçu aucune demande dans ce sens. Le ministre de la mobilité Ben Weyts (N-VA) n’était pas joignable hier selon De Morgen.

« Le peu de vert est sacrifié »

Il a aussi fallu attendre quelques mois avant que l’élagage ne soit effectif. L’entrepreneur ayant eu du retard, les travaux n’ont pu commencer que cette semaine, en plein dans la saison de floraison. «  Ce n’était pas voulu « , dit Erik Sclep, porte-parole de l’agence. « Normalement, nous prenons toujours cela en compte« , renvoyant vers d’autres travaux de coupe sur d’autres parkings où de nombreux migrants se réunissent aussi.

Des arbres et de la végétation ont aussi été coupés à Vorselaar, Grand-Bigard et Zelzate l’année passée afin de mieux pouvoir repérer les migrants. « La police fédérale réalise toujours une analyse du risque « , explique Olivier Van Raemdonck, porte-parole du ministre de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA). « Sur cette base, un certain nombre de mesures sont prises« . Cela peut aller de la mise en place de clôture supplémentaire ou de la fermeture du parking la nuit, à des caméras de surveillance ou des patrouilles supplémentaires, mais la végétation peut donc aussi être coupée.

La parlementaire écolo Elisabeth Meuleman s’étonne de cette pratique: « C’est quand même une drôle de manière de travailler« , s’étonne-t-elle. « Le peu de vert que nous avons est sacrifié, alors que cela n’est quand même pas une solution pour la transmigration. Les arbres le long des autoroutes sont aussi d’excellents filtres à air et ils sont abattus en masse. Je vais soulever ce problème au parlement. »

Kati Verstrepen, présidente de la Ligue des droits de l’Homme en Flandre, trouve elle aussi le procédé plutôt étrange. « Je me demande combien de transmigrants ont pu être retenus de la sorte. Cela me semble faire beaucoup de bruits pour rien. » Elle trouve par ailleurs que le problème des transmigrants est exagéré. « On l’a encore vu avec des chiffres erronés de la police de Flandre occidentale. » Dans cette province, on parlait d’une centaine d’arrestations en un mois, mais selon Médecins du Monde il s’agirait en réalité d’un même groupe de 30 à 60 personnes qui se faisaient à chaque fois attraper.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire