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Empreintes digitales: « Je ne comprends pas les réactions hystériques », s’étonne Jambon

Le ministre de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA) ne comprend pas l’émotion qu’a suscitée sa suggestion de prélever les empreintes digitales.

« Je ne comprends pas bien les réactions hystériques », a indiqué le ministre N-VA dans « Terzake ». « La seule chose que je dis, c’est ‘ouvrons le débat à ce sujet' », souligne-t-il. Jan Jambon estime qu’on fait beaucoup de bruit pour rien. « Je sais qu’il y a des critiques juridiques. Mais les avantages sont également nombreux. Dans les pays qui utilisent ce système, le taux de résolution des crimes augmente de manière exponentielle. Bien sûr on doit être proportionnel et il faut respecter la vie privée. Mais les gens qui n’ont rien à se reprocher ne doivent quand même pas avoir peur que leurs empreintes digitales soient reprises dans un tel système, si? »

Lors de sa visite au Maroc, le ministre de l’Intérieur a dit vouloir demander à la Commission de protection de la vie privée de se pencher sur la question de l’enregistrement des empreintes digitales des citoyens sur leur carte d’identité, a-t-il indiqué mardi. La Commission a répondu que ce n’est pas possible, car cela enfreindrait la Convention européenne des droits de l’Homme.

Le Maroc impose depuis 1975 à ses ressortissants de plus de 18 ans de déposer leurs empreintes. Depuis 2008, ces données sont numérisées et accessibles aux services de sécurité par le biais de la carte d’identité.

« Nous disposons de la technologie mais le débat chez nous est toujours ouvert. Je pense qu’on peut évoluer dans cette discussion. Je vais demander à la Commission de protection de la vie privée de voir dans quelle circonstance on peut implémenter ce système. Nous ne devons pas être les premiers au monde à prendre ce genre de mesure mais pas non plus les derniers », a expliqué M. Jambon, à l’occasion d’une visite à Rabat de la Direction des Systèmes d’Information de Télécommunication et d’identification (DSITI).

La menace terroriste à laquelle la Belgique fait face démontre à ses yeux l’importance de cette mention des empreintes. « On peut ainsi parfaitement vérifier lors d’un contrôle que les papiers sont bien ceux de la personne contrôlée. C’est important quand on voit comment les terroristes changent d’identité », a-t-il ajouté.

Au sein du gouvernement, la question a déjà été évoquée et est toujours débattue. Tout le monde dans la coalition ne la voit pas d’un bon oeil. Selon le Premier ministre, Charles Michel, la vision de ce projet doit être nuancée et intégrer les garanties qui doivent être apportées pour éviter tout abus.

Parmi les 18 mesures de lutte contre le terrorisme et le radicalisme, figure déjà le relevé des empreintes des personnes fichées par l’Organe de Coordination de l’Analyse de la Menace (OCAM), en particulier les personnes dont on redoute un départ vers la Syrie ou l’Irak.

Une loi doit être votée pour permettre à la mesure d’entrer en application.

La Commission vie privée rejette un prélèvement généralisé des empreintes

La Commission de protection de la vie privée affirme qu’un prélèvement généralisé des empreintes digitales n’est pas possible, car cela enfreindrait la Convention européenne des droits de l’Homme.

« Actuellement, il y a un large consensus au sein du Conseil de l’Europe pour dire qu’une telle obligation générale contrevient à la législation en vigueur », a réagi mardi la Commission de protection de la vie privée.

« Un prélèvement généralisé des empreintes digitales ne peut pas être accepté et contrevient à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Cet article ne s’oppose pas au fait pour la police ou la Justice de prélever dans certaines circonstances les empreintes digitales de certaines personnes (condamnées). C’est déjà le cas depuis des décennies en Belgique, tout comme dans la plupart des autres pays », indique la Commission.

Le Royaume-Uni a d’ailleurs été condamné en 2008 par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir conservé indéfiniment du matériel ADN et des empreintes digitales, même quand les suspects n’étaient plus poursuivis. La Cour avait estimé que le droit à la vie privée de ces personnes avait été violé.

« Sommes-nous tous devenus des suspects de terrorisme ? »

De son côté, l’Open Vld ne veut pas d’un prélèvement des empreintes digitales de tous les Belges. « C’est une mesure disproportionnée », a affirmé mardi le vice-Premier ministre Alexander De Croo. « Ou sommes-nous soudainement tous devenus des suspects de terrorisme? », s’est-il demandé.

« Consigner dans une base de données les empreintes digitales des 11 millions de Belges est une mesure disproportionnée », estime Alexander De Croo. Il fait remarquer qu’une proposition semblable a déjà été discutée au gouvernement, mais n’a pas été retenue. « C’est peu efficace de rouvrir sans cesse les mêmes débats. Ce n’est pas comme ça qu’on avancera. »

Le gouvernement a décidé de collecter les empreintes digitales des personnes qui représentent un danger selon les analystes de la menace et qui se trouve sur la liste OCAM. Mais l’Open Vld ne veut pas étendre cette mesure à tous les Belges.

Le secrétaire d’Etat à la Protection de la vie privée, Bart Tommelein (Open Vld), abonde dans le même sens. Il s’interroge aussi sur le coût et l’utilité de la mesure, surtout dans une Europe marquée par la libre circulation.

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