Elke Sleurs © BELGA

Elke Sleurs: « Il faut ouvrir les dossiers de collaboration aux familles »

Kristof Clerix
Kristof Clerix Rédacteur Knack

La Secrétaire d’État à la Politique scientifique Elke Sleurs (N-VA) a déclaré ce mercredi que la gestion des « dossiers de collaboration » a été formellement transmise aux Archives de l’État. Cependant, le Collège des Procureurs généraux demeure responsable des dossiers sensibles. Sleurs estime qu’il faut permettre non seulement aux scientifiques, mais aussi aux membres de la famille de collaborateurs de consulter ces documents.

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la justice militaire belge a ouvert 346.700 dossiers pénaux relatifs à la collaboration et elle a prononcé 53.000 condamnations. Après l’abolition des tribunaux militaires, c’est le Collège des Procureurs généraux qui en 2004 a acquis la compétence de l’archive des dossiers de répression.

Depuis le 1er janvier 2016, la gestion est aux mains des Archives de l’État. Les dix kilomètres de dossiers de l’archive sont déjà rangés aux Archives de l’État, et les instruments de recherche, les systèmes de fiche et les registres suivront bientôt. « Certains sont en mauvais état » explique le directeur général des Archives de l’État Karel Velle. « Je suis déjà content qu’on ait pu sauver l’archive de la disparition. Elle est très fragile : certains dossiers tombent littéralement en pièces. Assurer l’accessibilité, c’est d’abord et avant tout faire en sorte que les archives soient en bon état, même si on espère encore franchir d’autres étapes, car les non-scientifiques doivent soumettre une demande d’information. Manifestement, il y a quelque chose qui bouge. »

« Les scientifiques ont accès aux archives, le grand public pas encore » déclare la Secrétaire d’État Elke Sleurs (N-VA). »Ils doivent demander l’autorisation au Collège de procureurs généraux, comme l’impose une directive. Aujourd’hui, un inconnu peut avoir accès dans le cadre d’une investigation, mais pas les personnes directement impliquées. Les petits-enfants qui veulent savoir ce qu’il est advenu de leur grand-père entendent des histoires, mais il s’agit là que d’une seule version. Ils doivent se contenter de ce qui se dit dans la famille. »

« Nous devons en finir avec les crispations dans ces dossiers » estime Sleurs. « Nous sommes en 2016. Tout ce qui a trait à la répression et à la collaboration est très sensible en Belgique. On n’assume pas le passé et c’est dommage. Les pays autour de nous gèrent cette situation différemment. Les faits se sont déroulés il y a septante ans. Il est temps d’intégrer cette période d’une façon adulte dans notre histoire. »

Sleurs ne souhaite pas divulguer les dossiers sans aucune précaution. « Je ne voudrais pas qu’ils soient accessibles à n’importe qui sur internet. Il va de soi qu’il faut préserver la vie privée. « C’est justement un des arguments utilisés par le Collège des procureurs généraux » explique Rudi Van Doorslaer, directeur du Centre d’Études et de Documentation Guerre et Sociétés contemporaines (CEGESOMA).

« En principe, la législation sur la vie privée ne s’appliquait qu’aux personnes encore en vie » explique Van Doorslaer, « la tendance dans toute l’Europe est de les appliquer aussi aux membres de la famille de personnes décédées. Et que faire si cinq personnes d’une famille souhaitent consulter le dossier de grand-père et pas la sixième ? C’est une question juridique que doit trancher le Collège des procureurs généraux. La majorité de la jeune génération souhaite savoir ce qui s’est passé, mais pas tout le monde. « 

Van Doorslaer explique que le CEGESOMA, qui fait partie des Archives générales du Royaume depuis le 1er janvier, est confronté presque quotidiennement à des questions de citoyens à propos du passé de collaboration de membres de leur famille. « On peut leur raconter sur base d’une banque de données si le membre de leur famille a été condamné, mais nous n’avons pas assez de moyens pour étudier des dossiers concrets. Peut-être qu’un crowdfunding pourrait aider à réunir les moyens nécessaires pour un grand projet de recherche autour de la collaboration. »

Karel Velle estime aussi que le crowdfunding est une possibilité, mais qu’il faut d’abord consacrer les moyens supplémentaires à la numérisation.

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