Soraya Ghali

Electrabel, enfin forcé d’adapter sa stratégie

Soraya Ghali Journaliste au Vif

Par cette froide journée de décembre, Electrabel vient d’annoncer une baisse de ses tarifs de gaz et d’électricité. Celle-ci s’appliquera automatiquement et immédiatement à tous les clients : jusqu’à 16 % en dessous des prix gelés pour le gaz et jusqu’à 10 % pour l’électricité. Et ce à partir du 1er janvier, juste avant que s’achève la période de gel des prix – imposée depuis avril dernier, par le gouvernement fédéral pour protéger la facture des consommateurs. Mais tout cela n’annonce pas une guerre des prix. Voici pourquoi.

Pourquoi Electrabel baisse ses tarifs ? Cette annonce est un plan de bataille. Pour une raison très simple : en quelques mois, le fournisseur d’énergie historique a perdu près de 200 000 clients électricité et plus de 150 000 clients gaz. Cette fuite avait évidemment de quoi l’effrayer, et les mesures dévoilées, hier, ont avant tout pour but de contenir l’hémorragie. Autrement dit, Electrabel paie ses erreurs du passé. Longtemps, il n’a pas compris que ce que voulait le client, ce n’est pas le service « irréprochable » – argument qu’elle estimait inébranlable – mais le prix.

Voilà donc Electrabel forcé aujourd’hui de baisser ses prix, forcé par la pression de ses clients et celle des autorités. En un an, il aura été plus dynamique qu’en dix ans de libéralisation !

Une bonne nouvelle ? Oui, même si ce plan de bataille aurait dû s’amorcer plus tôt. Le hic ? La contre-attaque d’Electrabel démontre, en fait, que le marché de l’énergie ne fonctionne pas, ou seulement à la marge. Pourquoi ? Parce que c’est toujours Electrabel qui fait le prix de l’électricité. Parce que seul Electrabel est, en réalité, aujourd’hui en mesure de présenter les prix d’électricité les plus bas : tout simplement parce que c’est lui, le fournisseur historique, qui demeure aussi le plus gros producteur d’électricité, qui détient les moyens de production (centrales nucléaires, éoliennes…).

Un bémol pour le gaz. Sur ce marché-là, Electrabel est plutôt mal pris et n’est pas capable d’offrir le meilleur prix. Etant un très gros fournisseur, mais n’étant pas producteur de gaz, Electrabel achète son gaz par le biais de « contrats à long terme ». Les tarifs y sont indexés sur ceux du pétrole, dont le prix s’est envolé. A l’inverse, les petits fournisseurs, comme Lampiris, s’approvisionnent sur le « marché boursier », où les prix sont détachés de ceux du pétrole et où ils ont baissé : ils peuvent donc proposer des tarifs de gaz moins chers que ceux d’Electrabel.

Qu’en pensent les associations de consommateurs ? Test-Achat a réagi en déclarant qu' »il fallait nuancer ces chiffres » : « Electrabel n’est toujours pas le moins cher du marché. » Or, selon le tableau de bord du régulateur, la Creg, (publié à la fin octobre et disponible sur son site), Electrabel est l’acteur le moins cher du marché en ce qui concerne les tarifs résidentiels d’électricité. Une première, qui ne tenait évidemment pas compte des réductions annoncées hier.

Et les concurrents d’Electrabel ? On ignore encore comment ils se positionneront. Mais, de tout ce qui vient d’être dit, on imagine facilement que l’on assistera probablement pas à une guerre des prix. Ou si elle a lieu, on sait déjà qui en sortira gagnant.

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