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Di Rupo vend la « recette B » en Flandre

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Elio Di Rupo était l’invité d’honneur de la rentrée en politicologie de l’université de Gand. En néerlandais dans le texte, il a défendu son bilan et dit son optimisme pour la Belgique. Une façon, déjà, de se positionner face à la N-VA.

« En 2014, ce sera le modèle B comme Belgique contre le plan A comme Anvers. » Le politologue Carl Devos était tout sourire, ce mardi midi, à l’issue de la prestation de rentrée du Premier ministre Elio Di Rupo face à ses étudiants pour la désormais célèbre rentrée en politicologie de l’université de Gand. « La N-VA avait son café Bracke pour souligner le mauvais état de santé du pays, il y a désormais le café Elio. »

Le Premier ministre s’avance désormais à visière découverte pour défendre le bilan de son gouvernement fédéral face aux coups de butoir du premier parti de Flandre. Devant un auditoire bondé, il a plutôt convaincu, suscitant plusieurs volées d’applaudissements ou salves de rires. Même si une poignée d’étudiants nationalistes sont venus décorer la salle avec des drapeaux flamands, l’un d’entre eux s’étant même déguisé en panda en guise de clin d’oeil ironique à la récente saga opposant par zoo interposé le Premier ministre à Bart De Wever.

Dans un néerlandais encore hésitant mais nettement plus affûté qu’à ses débuts au « Seize », Elio Di Rupo est venu à Gand défendre la « recette belge ». Celle qui permet de trouver des compromis, encore et toujours, pour réformer le pays. Celle, aussi, qui allie économies « soutenables », défense du pouvoir d’achat des citoyens et soutien aux entreprises pour sortir de la crise économique et financière qui sévit depuis 2008. « Je veux lancer un message d’optimisme, a-t-il lancé en guise de conclusion. La Belgique a mieux géré la crise que d’autres pays européens. Nous devons profiter de notre diversité qui est appréciée partout dans le monde. »

Une heure durant, le Premier ministre s’est appliqué à démontrer que son gouvernement fédéral « fait la différence », contrairement à ce qu’affirme la N-VA. « Je défends notre action car nous avons obtenu des résultats ! », clame-t-il. Son argumentaire est celui qu’il proposera comme un mantra en cette année électorale.

La sixième réforme de l’Etat, tout d’abord, « pacifie le pays ». « Le centre de gravité du pays s’est vraiment déplacé du fédéral vers les Régions et Communautés, soutient-il. Pour la première fois, le budget du gouvernement flamand sera plus important que celui du fédéral. Nous avons scindé BHV : vous serez la première génération d’étudiants qui apprendra cela comme un problème du passé. » Dès lors, il plaide à nouveau pour une pause institutionnelle : « Ce serait idéal de donner le temps aux Régions et Communautés pour utiliser au mieux ces nouvelles compétences dans l’intérêt des citoyens. »
Pour parachever le travail, il plaide pour une circonscription fédérale. « Vous pourriez, par exemple, voter pour moi, lance-t-il en souriant aux étudiants gantois. Ou pas. Mais cela permettrait aux responsables politiques d’oeuvrer vraiment dans l’intérêt général et pas pour leur Région. C’est un avis personnel. Une commission va en débattre au parlement mais je trouve que ce serait une bonne chose. »

Le budget, ensuite. Il rappelle les économies colossales générées par… la simple formation du gouvernement, qui a permis de faire baisser les taux d’intérêt de la dette. « Cela a permis d’éviter un nouvel effet boule de neige de la dette », dit-il en expliquant patiemment ce à quoi s’apparentaient les déra pages du passé. Graphiques à l’appui, il démontre : « On dit parfois qu’avec les socialistes au gouvernement, on ne mène pas de politique budgétaire sérieuse. Mais la plus grande croissance de la dette a eu lieu sans les socialistes au gouvernement ! Et de 1993 à 2008, notre dette a chuté de 137% à 83%. S’il n’y avait pas eu la crise bancaire… » Une pause. La salle applaudit. Di Rupo boit du petit lait : « La vérité est la vérité… Ce n’est pas mal pour des soi disant marxiste. Nous nous engageons à la faire repasser sous les 100% d’ici la fin de la législature. » Elle se trouve aujourd’hui à quelque 104,5%.

Mais la « recette belge », ce modèle B qu’il défendra tout au long de l’année, c’est le cocktail mixant économie soutenable (« plus de 20 milliards », rappelle-t-il), la défense du pouvoir d’achat (« c’est pour cela que nous défendons l’indexation des salaires, pas par dogme ») et le soutien aux entreprises. Reste, reconnaît-il, à finaliser la relance. « Je me souviens encore de mon premier sommet européen, s’enorgueillit-il. Quand j’ai utilisé le mot relance, Merkel, Cameron et Sarkozy m’ont regardé comme si je descendais de Mars. Aujourd’hui, je ne suis plus tout seul. »

Oui, il reste bien du travail à accomplir, reconnait-il. Une grande réforme fiscale sera le principal chantier de la prochaine législature. Au même titre que les libéraux : un signe ?

Place aux préoccupations du jeune public de la salle. Les deux premières questions concernent la récente polémique, vive en Flandre, concernant l’expulsion vers l’Afghanistan d’un demandeur d’asile qui était pourtant parfaitement intégré. « La loi est la loi, dit le Premier ministre. Je fais confiance à la politique humaine menée par Maggie De Block (Ndlr – secrétaire d’Etat Open VLD à l’Asile). »

Comme il fallait s’y attendre, une interpellation évoque la N-VA. « J’ai beaucoup de respect pour la N-VA, s’avance, prudent, Di Rupo. J’ai négocié avec Bart De Wever, je le connais très bien. Sur le plan personnel, pas de problème. Sur le plan politique, c’est autre chose. Je suis en faveur d’un Etat fédéral rénové. La N-VA est pour le séparatisme. J’espère que les partis flamands pourront expliquer cela et bien défendre notre bilan. »

S’il y avait eu une circonscription fédérale, prolonge-t-il, j’aurais pu le faire en Flandre moi aussi.

Le Premier a réussi son examen d’entrée en Flandre. Reste une éprouvante session de plus de huit mois d’ici le 25 mai.

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