Carlo Di Antonio : "Nous identifierons et soutiendrons les initiatives qui vont dans le sens d'une alimentation durable." © SDP

Di Antonio : « J’appelle tous les Wallons à consommer local »

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

A quoi serviront les rencontres des assises wallonnes de l’alimentation durable, qui s’achèveront fin 2018 ? En primeur, Carlo Di Antonio, ministre régional de l’Environnement, dévoile son projet au Vif/L’Express.

Le CDH ne veut plus gouverner avec le PS. Vous aviez par ailleurs plaidé, comme d’autres, pour la création d’un mouvement du centre où le CDH s’associerait à Ecolo et à DéFI. Le mouvement centriste français En marche ! vous inspire-t-il au point d’adopter, pour la Wallonie, le projet macronien d’états généraux de l’alimentation ?

J’ai pris connaissance il y a deux mois de la volonté d’Emmanuel Macron de convoquer dès cet été des Etats généraux de l’alimentation. J’espérais que Nicolas Hulot, son ministre de l’Environnement, en soit l’organisateur, mais le président français a finalement préféré à l’écologiste le ministre de l’Agriculture Jacques Mézard. Je compte prendre contact avec celui qui, parmi les parlementaires du mouvement En marche ! en Nord-Pas-de- Calais, sera chargé des dossiers environnementaux. Je voudrais lancer avec cet élu des événements communs franco-wallons autour de thèmes en rapport avec l’alimentation durable. Pour concrétiser cela, j’ai le soutien actif de la chroniqueuse française Isabelle Saporta, très mobilisée pour faire bouger les lignes dans la filière agroalimentaire.

En dehors de cette future coopération franco-wallonne, comment est née l’idée de mettre en place vos propres assises de l’alimentation ?

La décision de lancer, ce 27 juin, ces rencontres, qui dureront un an et demi, est étroitement liée à notre  » Stratégie de développement durable « . Projet central de la déclaration de politique régionale, ce plan vise surtout à atteindre l’autonomie alimentaire. L’objectif est d’amorcer la transition vers des modes de production et de consommation durables sur toute la chaîne de production et de lutter plus efficacement contre les pertes et gaspillages alimentaires, qui sont gigantesques. Fin mars dernier, les participants à la dernière édition du Parlement jeunesse, rencontres au cours desquelles des étudiants travaillent pendant trois jours avec des experts, m’ont remis leurs recommandations pour une alimentation plus durable à l’horizon 2050. Ils suggèrent de créer des  » chèques fruits et légumes  » provenant de producteurs locaux, d’introduire un programme scolaire sur le thème de l’alimentation durable, ou encore d’imposer un cahier des charges pour les fournitures alimentaires dans les collectivités. Les assises de l’alimentation visent à donner de l’envergure à ces projets et à en lancer d’autres.

Concrètement, comment vont se dérouler ces assises ?

La première étape consistera à élaborer un référentiel sur l’alimentation durable. Car il faut s’entendre sur les termes utilisés et les objectifs à atteindre. Puis, au cours des dix-huit prochains mois, il y aura de nombreux échanges, ateliers et débats de fond auxquels participeront les organisations de producteurs et de consommateurs, les groupements d’achats, les représentants de Fevia, la Fédération de l’industrie alimentaire, et de Comeos, porte-parole du commerce en Belgique. Nous allons aussi mettre sur pied, au parlement de Wallonie, un panel citoyen qui contribuera à la réflexion des groupes politiques et du gouvernement régional sur l’avenir de notre alimentation. Ce n’est pas une première : du 29 avril au 12 mai derniers, 30 citoyens reflétant la population wallonne ont planché sur la thématique des enjeux du vieillissement. Fin 2018, au terme du processus des assises wallonne de l’alimentation, un document sera rédigé qui inspirera la politique régionale. D’ici là, nous identifierons et soutiendrons les initiatives qui vont dans le sens d’une alimentation durable.

Pourquoi le thème de l’autonomie alimentaire devient-il politiquement prioritaire ?

Il y a urgence. L’augmentation prévisible du coût de l’énergie hypothèque, à terme, l’idée de faire venir nos denrées alimentaires de tous les coins de la planète. J’appelle les Wallons à consommer local. De même, le gaspillage alimentaire est choquant : en Belgique, on gaspille 3,6 millions de tonnes de nourriture par an. Dans le monde, la nourriture produite mais non consommée occupe inutilement plus de 1,4 milliard d’hectares de terre, soit près d’un tiers des terres agricoles de la planète ! Par ailleurs, la production bio en Belgique ne suit pas la demande. Du coup, on trouve sur les étals de nos grandes surfaces des oeufs bio importés des Pays-Bas et des légumes bio allemands ou espagnols ! Le consommateur veut avoir un grand choix de produits biologiques, mais les cultures bio wallonnes sont surtout orientées pommes de terre, pois… En outre, les images atroces de mauvais traitements des animaux dans les élevages intensifs et dans les abattoirs conduisent de plus en plus de consommateurs à renoncer totalement ou partiellement à l’alimentation carnée. Il faut en revenir à des exploitations à taille  » humaine « . Certes, rares sont les grands élevages industriels de porcs, boeufs et poulets au sud du pays, mais nous avons tout de même un vrai problème avec les élevages concentrationnaires de poules pondeuses. Il y a un sentiment global de rejet de ces pratiques.

Les rêves d’un ministre et la réalité…

Une Wallonie « 100 % bio d’ici 2025 », proclamait Carlo Di Antonio l’an dernier. Cette fracassante sortie médiatique du ministre CDH de l’Environnement a fait tomber de sa chaise René Collin, son collègue CDH de l’Agriculture ! Qui s’est empressé de rectifier : lui vise plutôt 18 % en 2020. Pas de révolution en perspective, donc, même si la demande de bio est bien là et si l’agriculture biologique est de plus en plus rentable. « Di Antonio a une certaine propension à s’emballer sur de tels sujets, au risque d’oublier les réalités », convient un membre de son propre cabinet. Le ministre a aussi promis qu’il y aurait prochainement du bio et du local pour toutes les écoles wallonnes. A ce stade, l’heure est plutôt à la sensibilisation à l’alimentation durable, via des ambassadeurs appelés « les cantiniers » (cuisiniers, professeurs, directeurs, éducateurs…), qui bénéficient d’un coaching interactif. Lancé en septembre dernier, le projet repose sur une page Facebook, pour échanger bonnes pratiques, témoignages, photos… Par ce canal, des experts invitent chaque mois les écoles à évoquer des thématiques comme le gaspillage alimentaire, la saisonnalité des fruits et légumes, les menus équitables… Le plan wallon Regal vise aussi à identifier les sources de gaspillage dans la restauration.

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