Ludo Abicht

De gauche et flamingant: c’est quoi le problème ?

Ludo Abicht Philosophe flamand et membre de Gravensteengroep

Être ouvertement flamingant et de gauche, Ludo Abicht n’y voit pas d’inconvénient que du contraire. Même si, selon lui, beaucoup de représentants du mouvement flamand ont contribué de manière consciente ou inconsciente à une représentation caricaturale d’eux-mêmes. Extraits de son opinion parue dans Knack.

Je m’étonne que, durant ces trente dernières années, le temps d’une génération, des intellectuels flamands et les lanceurs de tendance sont presque parvenus à réduire le mouvement flamand à une apologie à peine voilée de la collaboration ou à une forme particulièrement affreuse de crispation identitaire, d’une étroitesse d’esprit quelque peu arriérée, voire de xénophobie. Ou, pour faire court, une idée à laquelle, quelqu’un de sain d’esprit et qui se voit comme un respectable citoyen, ne veut plus être confronté dans l’Europe et la globalisation du 21e siècle. D’autant plus que cette pensée unique est aussi bien historiquement qu’intrinsèquement mal venue.

Ceux qui repoussent, non sans raison, ce portrait peu flatteur feraient mieux de ne pas crier trop vite aux orfraies, car dans le passé comme aujourd’hui, de nombreux représentants du mouvement flamand ont contribué de manière consciente ou inconsciente à ce cliché. Il suffit de repenser à l’attitude de la plus grande organisation nationale flamande durant la Deuxième Guerre mondiale, au soutien plus qu’enthousiaste à l’apartheid en Afrique du Sud et, de manière plus générale, ce mélange entre le flamingantisme et la haine de l’étranger. Un postulat qui est inadmissible et contre nature de mon point de vue.

De gauche et flamingant : c’est quoi le problème ?

On deviendrait effectivement vite méfiant lorsqu’on entend certains membres qui n’ont que le mot émancipation à la bouche, mais qui dans le fond ne défendent que leur intérêt mal compris. Les critiques envers les flamingants ont donc là un authentique argument. Un levier rhétorique que celui qui cherche à défendre le mouvement flamand ne peut nier sous peine de passer pour un manipulateur ou quelqu’un de léger.

Celui qui ne regarde pas l’histoire de Flandre par la lorgnette de l’idéologie peut pourtant difficilement nier qu’il s’agit ici d’une véritable lutte d’émancipation des petites gens et qu’on a là un héritage qui ne peut être relégué au placard, du moins lorsqu’on cherche à comprendre la société dans laquelle on vit. Que cette émancipation s’est faite pratiquement sans violence, ce qui sous-entend par pression politique, à l’aide de loi et au moyen de l’enseignement, rend peut-être l’histoire moins héroïque, mais pas moins intéressante dans le contexte international d’aujourd’hui. Lorsqu’on regarde en Europe la floraison de nombreux mouvements indépendantistes, et ce, que ce soit en Écosse, en Catalogne au Québec, ce sont des mouvements progressistes et dans certains cas bien à gauche.

C’est donc mal connaître le monde que de dire que tous les mouvements régionaux et nationaux sont par nature régressifs et conservateurs. Ne trouvant leur place sur l’échiquier politique qu’entre la droite respectable et l’extrême droite . Car c’est bien là le coeur de ce discours: à quoi pourrait bien ressembler le patriotisme flamand sans frontière. Surtout , qu’historiquement, en ayant déjà fait l’expérience d’être des citoyens de seconde zone dans son propre pays, nous pouvons nous identifier sans problème à ceux qui vivent cela à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Si le mouvement flamand veut jouer un rôle de libérateur, il doit se placer comme figure de proue pour une solidarité internationale et bien entendu se faire la voix de tous ceux qui souffrent de discrimination, de mépris et de racisme.

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