Etienne Dujardin

Damso : un chanteur qui parle comme cela des femmes ne peut représenter la Belgique

Etienne Dujardin Juriste et élu conseiller communal MR à Woluwe-Saint-Pierre

Le rappeur Damso, qui a été choisi par l’Union belge pour réaliser l’hymne officiel des Diables rouges à la Coupe du monde 2018, ne cessait de faire polémique depuis des jours. Hier soir la collaboration avec l’artiste a pris fin.

Comment l’Union belge a-t-elle eu l’idée saugrenue de confier la création de son hymne à ce chanteur alors que la parole se libère sur le comportement inacceptable de certains hommes dans la société après les affaires Weinstein ?

La coupe du monde de football doit être un moment de fête, d’union, de joie, de rassemblement pour les amateurs de ce sport, mais aussi pour tous ceux qui regarderont l’événement plus pour soutenir nos couleurs, notre pays, que par réelle passion du ballon rond. Comment peut-on croire un seul instant qu’une personne qui dénigre les femmes et qui chante : « J’ai séché les cours, pour mouiller des chattes pendant que j’ai le barreau, bitch Ouais, ouais, ouais, ouais, ouais La pute est oblique, la pute a trop valsé (valsé) Pas de quenelle en publique, sinon Manu va valser (valser) (…) Tu veux de la coke, j’ai que de la poudre à canon Drapapapa j’te kill, à qui la faute », puisse être une personne qui rassemble ? Outre le caractère dégradant de ses propos envers les femmes, on remarquera aussi dans cet extrait le propos politique pour le moins scabreux. L’allusion à la quenelle de Dieudonné qu’on ne peut faire en public (comme si on pouvait la faire en privé) sinon Manuel Valls valserait est pour le moins engagé et déplacé.

La polémique avait en réalité commencé en novembre dernier grâce à la vigilance de Viviane Teitelbaum qui avait dénoncé, au nom du Conseil des femmes, ce choix inopportun de l’Union belge. Au lieu de faire amende honorable, le chanteur avait traité avec mépris les remarques qui lui étaient adressées en remerciant pour « la belle publicité offerte » et en adressant un mesquin hashtag « #BonjourChezToiViviane… ».

L’Union belge a continué à faire la sourde oreille, n’a jamais remis à sa place le chanteur. On a entendu les arguments de la liberté d’expression et du modèle que Damso représentait pour les jeunes issus de l’immigration. Les deux arguments sont médiocres intellectuellement. Personne n’est contre la liberté d’expression et certainement pas le Conseil des femmes. Tout le monde est libre d’aimer Damso, d’aller à ses concerts, d’acheter ses CD. Par contre, l’Union belge ne peut proposer une tribune à n’importe qui et doit proposer un artiste qui rassemble les Belges, un artiste qui ne se comporte pas avec un tel sexisme, un artiste avec lequel le plus grand nombre puisse s’identifier. L’argument du jeune issu de l’immigration qu’il faut encourager malgré ses propos est aussi inaudible. On ne peut pas permettre à Damso d’être notre représentant peu importe ce qu’il dit sur les femmes uniquement parce qu’il serait issu de la diversité. Est-ce que Damso est vraiment un modèle pour les jeunes dans nos quartiers ? Peut-on insister sur l’égalité homme-femme dans les écoles, surtout dans les quartiers difficiles, et ensuite donner une telle vitrine symbolique à ce rappeur controversé et à ses chansons ? Cela n’aurait strictement aucun sens.

Il est dommage, tant pour le chanteur que pour l’Union belge avec tous ses fans et sponsors, qu’il ait fallu attendre si longtemps avant qu’on daigner commencer à se pencher sur cette erreur. Il est dommage que l’Union belge se mette enfin à l’écoute uniquement parce que ses soutiens financiers et sponsors principaux commencent à taper du poing sur la table. Il est dommage que l’argent ait eu finalement plus de poids que les arguments des dizaines de femmes courageuses qui se sont mobilisées sur cette question.

L’argument de l’Union belge qui expliquait qu’elle allait surveiller son chanteur et avoir un droit de regard sur le texte était très curieux. On ne peut à la fois baser sur argumentaire de défense sur la liberté d’expression et en même temps dire qu’on va la restreindre de peur que le chanteur ne dérape. En proposant à Damso de venir chanter pour les Diables, on donne une exposition médiatique aussi à un passé, à une oeuvre contestée, à des chansons problématiques. Damso n’a été choisi que sur base de ce qu’il a produit comme chanson jusqu’à présent, pas du tout pour l’hymne dont personne ne connaissait encore le contenu. Si le choix de Damso était maintenu, cela aurait été finalement une caution à l’ensemble des oeuvres de l’artiste. Il était plus que temps que l’Union belge change de cap. Elle pourrait mettre en avant un autre artiste issu de la diversité, même moins connu, mais respectueux de tous et l’aider ainsi à décoller au lieu de dire qu’il n’y aura plus d’hymne.

A l’occasion de la journée de la femme hier, la réaction de Dominique Leroy, CEO de Proximus, et de tous les autres sponsors qui ne voulaient plus être associés au chanteur est à saluer. Manquer de respect à ce point aux femmes, c’est blesser la moitié de l’humanité. Manquer de respect aux femmes, c’est blesser nos conjointes, nos mères, nos filles, nos grands-mères, nos tantes, nos cousines, nos filleules, nos amies, nos voisines… Manquer de respect aux femmes, c’est finalement manquer de respect à chacun de nous.

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