César Botero González

« Communiste, le PS ? M’enfin ! »

César Botero González Militant du PS - Licencié en sciences politiques et science des religions

Depuis les sondages favorables au PTB et la publication de  » Nouvelles conquêtes  » d’Elio Di Rupo, le mot communisme se balade sur les lèvres des politiques de droite, et même sur ceux de gauche, au nord comme au sud. Savent-ils ce qu’est le communisme ?

Le CDH, le MR et la droite belge en général, qualifient le PS de communiste, mais Elio Di Rupo et quelques dirigeants du PS traitent à leur tour le PTB de communiste. Le 12 octobre à la RTBF, Claude Eerdekens qualifie le PS de communiste et de courir après le PTB. Celui-ci dénonce les dérives droitières du PS, mais Charles Michel et Willy Borsus accusent la FGTB, « bras armé du PS! » de vouloir créer une majorité PS-PTB-ECOLO pour amener les communistes au pouvoir en Wallonie. C’était le but des grèves annoncées pour le 10 octobre, toujours selon Willy Borsus et Charles Michel.

Où est la cohérence dans toutes ces déclarations ? Nulle part. Il convient donc de savoir ce que vous et moi entendons par communisme pour savoir si nous parlons de la même chose et où se trouvent exactement ces affreux communistes qui menacent notre avenir et celui des générations futures.

Tout d’abord, je ne m’adresse pas à vous, fin connaisseur du communisme, mais à vous qui ne le connaissez pas et a vous qui, croyant le connaître, le déformez à outrance pour faire peur aux citoyens.

Ce que j’entends par communisme.

Commençons par faire, en quelques mots, la différence entre le communisme en tant que doctrine politique marxiste, le communisme en tant qu’organisation sociale et le communisme en tant que régime politique.

En tant que doctrine politique marxiste, le communisme est la dernière étape d’un processus historique inéluctable expliqué à la lumière du matérialisme dialectique et du matérialisme historique. Chaque société ou étape de ce processus contient les germes de sa propre destruction jusqu’à l’avènement du communisme où ces germes disparaissent. Nous ne dirons pas plus sur le sujet. L’espace d’une carte blanche ne le permet pas.

En tant qu’organisation sociale, le communisme est une société sans Etat, sans classes sociales, sans monnaie, sans propriété privée. Un paradis, une utopie, un rêve. Marx n’est pas très précis sur le fonctionnement de sa société communiste. Ses disciples non plus. Et puis le communisme, en tant qu’organisation sociale, n’a jamais existé. Si vous me permettez un pronostic, cher lecteur, elle ne verra jamais le jour. Et c’est dommage. Les utopies sont toujours belles.

En tant que régime politique, le communisme est l’ensemble des partis communistes dont leur objectif est d’assurer la transition entre le capitalisme et le communisme. Cette étape transitoire est le socialisme (de type marxiste) dont les principales caractéristiques sont : la dictature du prolétariat, en fait la dictature de la nomenklatura, le parti unique, la propriété collective des moyens de production, l’économie entièrement planifiée par l’Etat. Les régimes communistes de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et ceux des pays de l’Est se sont effondrés avant l’entrée au paradis. Les autres, ceux de Cuba, la Corée du Nord et la Chine sont loin d’y parvenir un jour.

Mais bien sûr, les décalages entre la théorie et la pratique, ou la praxis comme disent si joliment les vieux marxistes, animent les débats entre spécialistes. Et puis, il ne faut pas confondre marxisme et communisme. Les communistes sont en principe marxistes, mais tous les marxistes ne sont pas communistes, en particulier les intellectuels pour qui le marxisme est avant tout un instrument d’analyse. Il y a même des marxistes anticommunistes !

Voilà donc l’abc du communisme, tel que je l’entends, pour mieux savoir de quoi on parle et pour répondre à la question : le PS et le PTB sont-ils communistes ?

Avant de répondre à cette question angoissante pour la droite, en voie de maccarthysation, il est utile de rappeler certaines évidences souvent négligées.

Faire peur pour convaincre au lieu de faire appel à la raison est une faiblesse. Une affirmation, tout au moins dans un débat politique, doit être étayée avec des arguments cohérents bien qu’ils soient toujours réfutables.

Pour nous convaincre du danger communiste et nous faire peur voici le conseil de Willy Borsus : « j’invite vraiment vos auditeurs à lire un certain nombre des propositions notamment du PTB », donc du PS aussi.

Willy Borsus a trouvé donc des traces de communisme dans le programme du PTB, dans le livre d’Elio Di Rupo « Nouvelles conquêtes », dans les 123 propositions du PS et son rapport complet du « Chantier des idées ».

Voyons d’abord le cas du PTB.

J’ai lu les 130 propositions du programme du PTB et leur journal Solidaire à la recherche du moindre indice de communisme. Je n’ai rien trouvé de tel. Bon nombre de leurs propositions sont similaires à celles du PS à moins que ce ne soit le contraire. Ils veulent défendre les services publics contre les tentatives de privatisations, la pension à 58 ans, réduire le temps de travail, une fiscalité plus juste, pension minimal de 1500 €, protéger le pouvoir d’achat… Bref, lisez leur programme et vous verrez qu’ils n’ont rien de vraiment communiste. Je croyais qu’ils étaient plus à gauche que cela. Ils parlent beaucoup de démocratie participative, comme le PS et nullement de dictature du prolétariat, de parti unique, de propriété collective des moyens de production…

Voyons ensuite le cas du PS.

Sur le PS nous pouvons dire autant que sur le PTB. Quelles que soient leurs différences, ils sont tous les deux des socialistes réformateurs. Le PS l’a toujours été, sauf que quand il est dans l’opposition, il est toujours plus à gauche que quand il est dans la majorité fédérale ou régionale. Le PTB ne l’a pas toujours été. Il l’est devenu par nécessité sachant que le marxisme-léninisme-stalinisme-maoïsme n’a plus la cote nulle part, et surtout pas dans un pays de l’Union européenne. Le PTB est un peu moins à droite, ou si vous préférez, un peu plus à gauche que le PS.

J’aimerais que Willy Borsus, et/ou le Centre Jean Gol du MR, nous disent qu’elles sont les propositions du PS et du PTB à caractère communiste. Et qu’ils le disent de façon bien précise. Par exemple : les propositions N° xxx du PTB et les propositions N° xxx de du PS sont communistes et pourquoi. Ils doivent nous dire aussi : les propositions « … » aux pages x de « Nouvelles conquêtes » sont communistes parce que… J’insiste sur la précision car les généralisations ou affirmations vagues c’est de l’enfumage, des arguments de distraction et de la malhonnêteté intellectuelle.

Oui, me diront certains, mais le PTB est un loup sous une peau de mouton. N’exagérons pas. Le Mr et les autres maccarthystes savent qu’en cas d’une hypothétique majorité PS-PTB-ECOLO, le PTB ne peut pas imposer tout son programme. C’est pareil pour les autres partis.

Un parti de gauche ou d’ultragauche ne pourra imposer en Belgique un régime communiste. La participation des « communistes » dans un gouvernement ne met pas en danger la démocratie. Le PS de Mitterrand s’est allié avec le PCF de Georges Marchais ; des ministres communistes ont participé au gouvernement et la démocratie ne s’est pas effondrée. C’est plutôt le PCF qui perdit des plumes. Ce fut le début de son déclin.

Dans les années 1940, le PC italien, dirigé par Palmiro Togliatti, participait à un gouvernement d’union nationale avec les démocrates-chrétiens, dirigés par Alcides De Gasperi, j’ai bien dit démocrates-chrétiens. Dans les années 1970 Aldo Moro, encore un démocrate-chrétien et Enrico Berlinguer, communiste, étaient prêts à former une majorité gouvernementale, mais l’opposition de Paul VI, chrétien-non-démocrate et l’assassinat de Aldo Moro, mettent fin au compromesso storico malgré la position très dure et ferme du PCI contre les terroristes. Mais il est possible que nos dirigeants de droite ignorent ces chapitres de l’histoire politique italienne. Elle est loin l’Italie ! Ou tout simplement, ils sont aussi frileux que le Pape Paul VI.

Au Portugal, le gouvernement socialiste, minoritaire, est soutenu par les communistes, le bloc de gauche (marxistes-léninistes, trotskistes…) et les écolos, majoritaires à l’Assemblée. Cette expérience attire l’attention de la gauche européenne et des politistes. Bref, c’est la nouvelle majorité proposée par la FGTB pour le plus grand désarroi de notre droite. Mais il est possible que notre droite, ignore cette expérience portugaise. Il est loin le Portugal !

Et puis, chers lecteurs de droite, pensez-vous vraiment que des gens comme Elio Di Rupo, Laurette Onkelinx, Willy Demeyer, Rudy Demotte, Rudi Vervoort, Jean-Claude Marcourt, André Flahaut, Alain Mathot, les enfants/beaux-enfants de… sont des communistes ? M’enfin.

Craignez-vous qu’ils aient l’intention d’instaurer à Bruxelles comme en Wallonie :

– Un gouvernement dirigé par un parti totalitaire issu d’une fusion PS-PTB-Ecolo avec à leur tête un Elio Di Rupo tyrannique et sanguinaire à la manière d’un Staline au noeud papillon ?

– Des goulags dans Les Fagnes gérés par une nomenklatura impitoyable qui feraient payer en travaux forcés la trahison du CDH et la complicité du MR ?

– Une économie planifiée dirigée par des économistes cubains et rythmée par des plans quinquennaux comme au vieux temps de l’Union soviétique ?

Il est temps que le MR et ceux qui pensent comme lui cessent de croire que les Wallons et les Bruxellois auront peur de menaces aussi naïves et ridicules.

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