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Communautaire et élargissement de Bruxelles : un Michel n’est pas l’autre

Charles Michel l’affirme : sous sa présidence, le MR maintiendra sa ligne de fermeté francophone. Pas question pour lui de scinder BHV sans élargir Bruxelles. Au FDF, certains y voient une différence avec son père Louis, réputé plus conciliant avec les Flamands.

A quelles conditions les francophones peuvent-ils accepter une scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde ? La Belgique doit-elle évoluer vers le confédéralisme ? Quelle autonomie laisser au FDF au sein du Mouvement réformateur ? Faut-il réunifier l’espace francophone, ou à l’inverse mieux reconnaître les spécificités bruxelloises et wallonnes ? Peut-on appliquer l’article 35 de la Constitution, qui prévoit de ne laisser à l’échelon fédéral qu’une liste de compétences strictement définies ?

Sur toutes ces questions, c’est désormais Charles Michel qui déterminera la stratégie du MR. Comment positionnera-t-il son parti dans le débat institutionnel et communautaire ? Personne ne s’attend à une rupture radicale par rapport à l’ère Reynders. Mais il n’est pas exclu que des accents nouveaux apparaissent bientôt dans le discours libéral sur la réforme de l’Etat. Bien que l’intéressé le démente avec force… « Il n’y aura aucune inflexion dans la ligne institutionnelle du MR, martèle Charles Michel. J’ai pris des engagements très nets pour les francophones, notamment vis-à-vis du FDF, et je compte bien m’y tenir. »

Ses engagements, Charles Michel les a notamment formulés le soir du 16 janvier, lors d’un débat qui l’opposait à Daniel Bacquelaine, son challenger dans la course à la présidence. « Si on accepte la scission de BHV, on ancrera Bruxelles en Flandre, considérant qu’il y aura là définitivement des frontières d’Etat », avait solennellement déclaré le ministre brabançon. Avant de poursuivre : « L’élargissement de Bruxelles est la seule réponse qui puisse être acceptée par les francophones en cas de scission. » Des propos qui tendent à confirmer que le MR est bien le plus dur des partis francophones dans le dossier BHV. Et qu’il le restera.

Charles Michel se distingue également par ses commentaires très critiques vis-à-vis de la note de compromis rédigée par l’ex-conciliateur royal Johan Vande Lanotte. Il juge entre autres « pas du tout acceptables » les dispositions contenues dans la note concernant les droits des francophones en périphérie bruxelloise. « Si on appliquait les régionalisations prévues par la note Vande Lanotte, le fonctionnement de la justice s’en trouverait beaucoup plus compliqué », ajoute-t-il encore.

Les tenants de l’intransigeance francophone seront donc rassurés : face aux exigences flamandes, Charles Michel ne sera pas moins ferme que Didier Reynders. Quant à Bart De Wever (N-VA) et Wouter Beke (CD&V), ils peuvent méditer sur ce constat : le nouveau président du MR sera tout aussi francophone que l’ancien, et il n’entend pas se « déscotcher » du FDF. « Sur les sujets sensibles, je n’ai pas le sentiment qu’il y a des écarts notoires entre Didier Reynders et Charles Michel », note d’ailleurs Olivier Maingain, le président du FDF.

La mantra de Reynders Tout comme son prédécesseur, Charles Michel en appelle aussi à un « changement de méthode » dans la façon de négocier. Pendant près d’un an, Didier Reynders a répété le même mantra : francophones et néerlandophones, que voulons-nous encore faire ensemble ? En cas de retour des libéraux à la table, Charles Michel entend lui aussi poser cette question dès l’entame des négociations, histoire de s’assurer que les partis flamands sont bien disposés à rester dans le cadre fédéral.

Bref, aucun changement de cap à l’ordre du jour. Mais, peut-être, un nouveau ton. « Charles Michel s’est fixé comme priorité de sortir le MR de son isolement, afin de nous ramener dans les coalitions, décortique un élu libéral. Cela implique de recréer des liens avec les autres partis francophones. Sur le communautaire comme dans les autres dossiers, Michel pourrait afficher un profil plus consensuel que Reynders, en attaquant moins frontalement le PS, le CDH et Ecolo. » Les prochains mois confirmeront, ou non, ce pressentiment. « Par rapport aux questions institutionnelles, Charles n’a pas une position radicalement définie, estime le député wallon Jean-Luc Crucke. Il écoute, il consulte beaucoup. Je pense qu’il est encore en recherche. »

Autre question clé : quelle sera l’attitude par rapport au FDF ? Dans l’entourage du nouveau président, beaucoup estiment que la composante amarante du MR doit être remise au pas. « Didier Reynders doit sa survie politique à Olivier Maingain. Il était devenu son otage ; il ne pouvait plus rien lui refuser », entend-on. Charles Michel pourrait être tenté de recadrer le FDF, qui fonctionne jusqu’à présent comme un vrai parti autonome. Mais, là encore, rien ne le laisse pour l’instant présager. Charles Michel, par exemple, a annoncé qu’il n’empêcherait pas le FDF de présenter des candidats en Wallonie aux élections communales de 2012. Willy Borsus, vice-président du MR (et pro-Michel), s’était pourtant publiquement opposé à cette éventualité il y a quelques mois…

Charles Michel ne peut se permettre de défier frontalement Olivier Maingain. Mais, l’air de rien, le bourgmestre de Wavre a déjà commencé à asseoir son autorité. « Il va de soi que si le MR revient à la table des négociations, j’y associerai aussi Olivier Maingain pour le FDF ainsi que Gérard Deprez pour le MCC », vient-il de déclarer dans La Libre Belgique. Une façon subtile de diluer l’influence du FDF, renvoyé à son statut de sous-composante du MR, au même titre que le petit club animé par Gérard Deprez. « Avec Charles Michel à la présidence, c’est vrai qu’il pourrait y avoir une évolution. On pourrait craindre que… Mais nous serons là pour bloquer toute évolution qui se ferait au détriment des francophones », indique déjà Caroline Persoons, députée bruxelloise FDF.

Si le FDF se méfie tant de Charles Michel, c’est pour son rôle actif dans le groupe Renaissance, qui a forcé Reynders à quitter la présidence avant le terme de son mandat. Mais aussi pour sa proximité avec Louis Michel et Gérard Deprez, deux personnalités honnies par la base du parti amarante. « Gérard Deprez s’est beaucoup trompé dans les négociations institutionnelles des années 1980, déclarait à ce propos Olivier Maingain, en novembre 2009. C’est quand même lui qui a renoncé à la fusion de la Région wallonne et de la Communauté française. C’était une erreur majeure. Et je continue à penser que, lors de l’accord de 2001, dit du Lambermont [NDLR : notamment négocié par Louis Michel, alors vice-Premier ministre], les francophones ont trop cher payé le refinancement de la Communauté française. » Au FDF, on rend également Louis Michel responsable du transfert raté de Francis Delpérée, d’abord pressenti au FDF, mais finalement parti au CDH.

« Charles ne laissera pas tomber la périphérie » Si le FDF garde un oeuf à peler avec Louis, il laisse jusqu’à présent le bénéfice du doute à Charles. « Charles Michel ne laissera pas tomber la périphérie, contrairement à ce qu’a pu faire son père, déclare Damien Thiéry, député fédéral et bourgmestre (non nommé) de Linkebeek. En disant ça, je ne jette pas la pierre à Louis. A l’époque où il a pris part à des négociations institutionnelles, le contexte était différent. Il était davantage préoccupé par l’avenir de la Belgique et de l’Europe que par la défense des francophones. »

Pour Damien Thiéry, c’est une évidence : dans le débat communautaire, le fils Michel ne doit pas être confondu avec le père. « J’ai été candidat aux élections européennes de 2009, sur la liste emmenée par Louis Michel, poursuit-il. En collant des affiches à Hal, je me suis fait attaquer par des gens du Voorpost qui m’ont jeté des £ufs sur la tête. Louis tombait des nues. J’ai dû lui expliquer à deux fois de quoi il retournait. Assez paradoxalement, il a compris à ce moment-là ce qui se passait en périphérie. Charles, lui, est beaucoup plus au fait des enjeux. Il est plus pointu que son père concernant la défense des francophones. »

Plus qu’une opposition idéologique, ce décalage entre le fils et le père reflète surtout une évolution générale du monde politique, tant francophone que néerlandophone. Charles Michel appartient à cette nouvelle génération avant tout préoccupée par la défense de sa propre communauté, et qui ne nourrit plus guère d’illusions quant à l’avenir de la Belgique. « C’est exactement la même évolution qu’on observe, chez les libéraux flamands, entre le père et le fils De Croo », observe Damien Thiéry. « Charles appartient à cette nouvelle génération fière de son appartenance wallonne, qui n’admet pas qu’on dénigre les francophones, et qui est d’une fermeté accrue face aux exigences flamandes », confirme le sénateur Alain Courtois.

Alors, tel père, tel fils ? Ceux qui s’assiéront bientôt à la même table que Charles Michel, pour négocier avec lui les futurs contours de l’Etat belge, jugeront sur pièces.

François Brabant

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