Walter Pauli

Comment Philippe peut faire vaciller le trône

Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

Dans un pays aussi complexe que la Belgique, un roi peut se mettre dans l’impossibilité de régner. Léopold III l’a fait, Baudouin aussi et Philippe semble déjà maîtriser l’art de se tirer une balle dans le pied. En commettant des bévues communautaires par exemple.

Lorsque Philippe prêtera serment le 21 juillet, il jurera fidélité à la constitution et à son premier article :  » La Belgique est un État fédéral qui se compose de communautés et de régions ». Ou comment tout est devenu communautaire en Belgique, jusqu’à la première phrase de la constitution. Philippe ne doit pas se bercer d’illusions : dès le premier jour, l’opinion publique flamande le surveillera de très près et lui imputera la plus petite erreur communautaire (ou interprétable comme telle). Il fait face au dilemme – d’ailleurs incompréhensible aux yeux des chefs d’état étrangers- qu’un roi des Belges ne doit surtout pas se montrer belgiciste.

Langue

Quoi qu’il fasse ou quoi qu’il dise: sur le plan communautaire, tous les détails des interventions de Philippe sont sensibles. Cela commence par sa prononciation et sa maîtrise du néerlandais. Le néerlandais de Philippe est convenable. Son accent est un peu plus prononcé que le néerlandais soigné d’Albert, mais moins marqué que celui de Baudouin qui lui n’a jamais été interpellé à ce sujet. Cependant, quelques détails de vocabulaire se révèlent parfois plus problématiques. Lors de la naissance de sa fille Elisabeth, l’émotion a fait dire au prince : « C’est une petite femme » au lieu « d’une petite fille ». Et en déclarant à des journalistes qu’il poursuit een missie en ne réalisant pas que la traduction littérale de mission est trop grandiloquente en néerlandais et que « tâche » ou « devoir » se serait avéré plus approprié.

Se moquer de Laeken paie

Et l’opinion publique flamande se montre particulièrement impitoyable et même hargneuse quand il s’agit de sa langue. Lorsqu’en 2006 Philippe a répondu par écrit à des lecteurs du Standaard, ce journal a fait grand bruit parce que son texte comportait une erreur grammaticale. Cependant, il incombe à toute rédaction d’un médium écrit de corriger les erreurs de langue y compris dans les papiers envoyés par des « tiers ». Seulement au lieu de soigner le texte de Philippe (qui en outre avait été relu par le cabinet du premier ministre de l’époque, Guy Verhofstadt) comme toute autre contribution, le prince a été ostensiblement humilié. Parce qu’en Belgique, et certainement en Flandre, se moquer de Laeken paie. Cette donnée ne changera pas quand Philippe sera roi.

Affrontement avec le mouvement flamand

La situation devient vraiment problématique quand ces sensibilités communautaires gênent Philippe dans ce qu’il considère indubitablement comme faisant partie de son mandat. Prenons la lutte contre le racisme et la xénophobie par exemple. Dans tout pays civilisé ce domaine ne révèle-t-il pas du devoir fondamental du chef de l’état ? En Belgique, ce thème est plus sensible, car le Vlaams Belang, et en cas de formulation mal choisie la N-VA aussi, se sentent rapidement visés. Même une référence historique « aux années trente » dans le dernier message de Noël d’Albert a été mal prise. Parce que même si celle-ci ne renvoyait pas forcément à la collaboration nationaliste flamande (qui ne se situe que dans les années quarante), elle a pu s’interpréter ainsi. Et elle a été comprise ainsi. Bref, il ne faut pas se demander si Philippe se heurtera au mouvement flamand, mais quand l’affrontement se produira.

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