Le Roi Philippe et Bart De Wever, ici lors d'une inauguration à Anvers en octobre dernier. © BELGA

Comment la N-VA fiche une paix royale à Philippe

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Les Saxe-Cobourg ont disparu des écrans radars des nationalistes flamands. Plus d’attaques frontales, de reproches ni de tracasseries à l’égard de la monarchie. Le roi Philippe retrouve une fragile douceur de régner sous le parapluie grand ouvert par la N-VA au pouvoir fédéral.

Roi depuis 17 mois, Philippe a brillamment réussi son dernier devoir de l’année. Son allocution de Noël fut un modèle de concision et de sobriété. « Espérer, ne pas se laisser gagner par la résignation » en ces temps si difficiles: quelques banalités de circonstance expédiées en cinq minutes. Un discours et un Roi comme les aime Bart De Wever: au-dessus de la mêlée, sans relief. Rien, dans ces maigres propos, qui puisse s’attirer les commentaires désobligeants de l’actuel homme fort du Royaume.

Avec Albert II, c’était autre chose. Pas de trêve de Noël en 2012 : il avait fallu recadrer Sa Majesté pour sa mise en garde face « aux discours populistes. » La Flandre avait peu apprécié l’allusion royale à la N-VA, et son leader avait naturellement pris la mouche: basta le Roi! Qu’il reste dans son coin, qu’il s’abstienne de s’occuper de former un gouvernement.

C’était sous un autre règne. Sous un autre attelage fédéral, dirigé par un socialiste wallon. Exit Albert II, Di Rupo Ier et la gauche au pouvoir fédéral. L’issue des dernières élections a radicalement déplacé le curseur. Le nouveau Roi, Philippe, s’est certes encore mêlé de mettre sur pied un gouvernement. Cette fois, Bart De Wever n’a eu qu’à s’en féliciter. Pour un baptême du feu, ce fut un parcours royal sans faute. Le Palais n’a opposé aucune résistance à une coalition fédérale à forte connotation séparatiste et républicaine flamande.

Il n’en fallait guère plus pour détendre l’atmosphère. Pour que monarchie et famille royale disparaissent subitement des écrans radars de la N-VA. Envolés, les reproches, attaques, sarcasmes, insinuations. Comme si, de se retrouver à copiloter le Royaume, la N-VA en perdait la voix. Trois mois d’activité politique sous l’ère Michel I (N-VA – Open VLD – CD&V – MR), et c’est le calme plat. Dans les médias, comme au Parlement. Toujours pas de question orale ou d’interpellation surgie des rangs nationalistes flamands pour mettre en difficulté la royauté. Seule Karolien Grosemans vient de s’enquérir par écrit auprès de son coreligionnaire Steven Vandeput, ministre de la Défense, des conseillers des princes et des princesses qui sont pris en charge par l’armée. Rien de bien méchant.

La panne d’inspiration a aussi gagné le site Internet du parti. Sur 119 communiqués répertoriés depuis l’entrée en fonction de la suédoise début octobre jusqu’à la Noël, aucune trace d’une quelconque « sortie » sur la monarchie. On a connu la N-VA plus prolifique: ainsi en 2013, où du 4 juillet au 28 novembre, le parti se fendait de treize prises de position sur la royauté.

C’était encore le bon vieux temps de l’opposition fédérale. Quand de l’autre côté de la barrière, ça canonnait à tout-va sur le Palais. Ingérence du Roi dans le jeu politique, dotations royales, yacht royal, droit de grâce, effectifs de la Maison du Roi, escortes royales et protection policière, frais de chauffage des résidences royales, amendes infligées aux membres de la famille royale, parc automobile, pompe à essence défiscalisée à Laeken, hélico du prince Philippe, fondations de la reine Fabiola. La N-VA s’en donnait à coeur joie. Ne laissait rien passer.

Elle avait son champion de la catégorie: Theo Francken, l’homme aux soixante questions ciblées sur la monarchie pour la seule législature 2010-2014. Percutant, tenace, intarissable. Le nez sur les élections de mai 2014, le député y allait encore d’une ultime salve au Parlement : « Les partis flamands de la majorité ont tous fait publiquement état de leur volonté d’apporter des modifications en vue de moderniser la monarchie et d’aboutir à une monarchie protocolaire et moins coûteuse. Ils n’ont pas tenu leurs promesses, ils ont perdu toute crédibilité. » Le remuant Theo Francken n’émettait qu’un regret, mais un gros: faute de pouvoir toucher à la Constitution, réformer en profondeur la Maison royale resterait mission impossible sous cette actuelle législature.

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec:

  • La « belgianisation » rampante de la N-VA
  • Un désintérêt de façade
  • La gauche investit le créneau
  • PS: un soutien calculé à la monarchie

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