Olivier Mouton

Comme si la septième réforme de l’État était déjà annoncée…

Olivier Mouton Journaliste

L’accord intrafrancophone pour la future gestion de la Sécu est atrocement compliqué. Et pourrait donner du grain à moudre à ceux qui estiment de nouvelles adaptations institutionnelles nécessaires dans un proche futur.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Cet adage est décidément le leitmotiv de la construction du paysage institutionnel belge. Pour une raison très simple : la cohabitation entre deux systèmes en parallèle – trois Régions et trois Communautés – rend toute nouvelle architecture du pays terriblement épineuse à ficeler. Sans oublier les méfiances persistantes entre communautés du pays et le noeud éternel que constitue la Région bruxelloise.

Le dernier exemple en date, et il est particulièrement important pour l’avenir, concerne l’évolution de la Sécurité sociale, un pilier belgo-belge. La sixième réforme de l’État transfère de nouvelles compétences aux Régions et Communautés en matière de santé, d’aide aux personnes, d’emploi et d’allocation familiale. Le début, contrôlé jusqu’ici, d’une scission de la Sécu.

Comment gérer le tout ? Le dossier, sensible, vient d’être ficelé au niveau francophone. Passons sur le cadeau symbolique fait au soutien écologiste par la dénomination des accords : la Sainte-Emilie est un hommage tout sourire faite à la coprésidente verte Emily Hoyos – avec un « Y ». Mais plongeons sur le fond de la solution trouvée.

Pour faire court, les compétences en matière d’emploi seront gérées par les Régions : logique, celles-ci sont en charge des matières dites « territoriales » dont l’économie au sens large constitue la principale. Pour les matières dites « personnalisables », cela se complique. La même logique « historique » aurait voulu que les Communautés soient compétentes. C’était d’ailleurs le souhait des partis flamands. Les francophones, eux, étaient demandeurs d’une régionalisation de ces politiques. Objectif ? Permettre des politiques différenciées entre la Wallonie et Bruxelles, dont les besoins sont différents, mais surtout éviter que n’apparaissent à Bruxelles des « sous-nationalités ». En clair, éviter que dans la capitale, les citoyens ne soient amenés à choisir entre les deux principales Communautés du pays, au risque de préférer un système flamand plus favorable – c’était surtout un enjeu en matière d’allocations familiales.

Le compromis intrafrancophone sera donc le suivant. Pour les compétences en matière d’aide aux personnes, de personnes handicapées ou de santé, un organisme wallon sera créé ainsi qu’un bruxellois, mais une concertation systématique sera organisée au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles afin d’éviter qu’un changement de législation par l’une des Régions ne pose des problèmes à l’autre. Pour les allocations familiales, la tutelle sera confiée à la Commission communautaire commune (Cocom) à Bruxelles, une petite institution en charge des matières bicommunautaires. Cette dernière, cogérée par les francophones et les Flamands de Bruxelles, renaît de ses cendres.

Premier constat : il y a de quoi perdre son latin. Si le compromis trouvé tient subtilement compte des sensibilités régionales de plus en plus fortes tout en préservant la Fédération Wallonie-Bruxelles (new look de la Communauté française), il risque d’être parfaitement illisible pour le citoyen.

Deuxième constat : il y a péril pour l’avenir. La gestion d’une compétence aussi importante que les allocations familiales par des entités aussi petites risque de poser de graves problèmes tant en terme d’administration que sur le plan budgétaire, mettent déjà en garde les experts. La réforme de l’État tient compte du boom démographie bruxellois, rétorquent les négociateurs. Mais la Région capitale risque pourtant de se trouver à nouveau exsangue d’ici trois à quatre ans.

Troisième constat : le dialogue s’annonce déjà difficile. Les partis flamands de Bruxelles jugent d’ores et déjà négativement le compromis intrafrancophone, estimant que « ce n’est pas aux Wallons de décider » ce qu’il faudra faire à Bruxelles.

Le tout donne du grain à moudre à la thèse de la N-VA selon laquelle la « nouvelle Belgique » concoctée par les partis traditionnels est définitivement complexe. Quant au sous-financement annoncé de certaines compétences majeures, il risque de s’annoncer dommageable pour le citoyen : une fois les élections passées, lors de la prochaine législature, les francophones risquent de devoir prendre des mesures socialement difficiles. Et d’appeler à l’aide…

Oui, la priorité politique est l’urgence socio-économique. Mais il est déjà écrit dans les astres que l’on parlera un jour de la nécessité d’une septième réforme de l’État.

Olivier Mouton

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