Ettore Rizza

Combien vaut une information ?

Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

Les principaux éditeurs de presse belges envisagent de fonder l’an prochain une plate-forme payante commune, annonce le quotidien flamand De Morgen. L’idée : monnayer une partie de leurs contenus, offerts jusqu’ici gratuitement sur leurs sites Web. Bonne idée.

Dire que la presse va mal est un euphémisme. Des Etats-Unis au Japon, en cette seule année 2012, le nombre de quotidiens ou d’hebdomadaires qui ont mis la clé sous le paillasson donne le tournis. Selon certains futurologues plus ou moins inspirés, les journaux traditionnels pourraient disparaître de Belgique en 2026. C’est demain.

Qui les pleurera ? Quelques nostalgiques vieillissants, sans doute, pour qui l’odeur du papier gardera à jamais des senteurs de madeleine de Proust. Certainement pas les jeunes générations, qui n’auront jamais éprouvé le besoin de les lire. A quoi bon payer pour du papier qui s’entasse et dont le contenu, à leurs yeux, rabâche le plus souvent des infos diffusées la veille sur le Net et les réseaux sociaux ?

Mais d’où viennent ces informations gratuites publiées sur le Net et les réseaux sociaux ? Jetez un oeil sur Facebook, sur Twitter, et rendez-vous à l’évidence : hormis sur quelques sujets très pointus, les informations dignes d’intérêt proviennent TOUJOURS de médias traditionnels. Elles sont rédigées par des journalistes professionnels, qui ont consacré plusieurs heures, jours, voire semaines à ces articles que les agences de presse peuvent synthétiser en une demi-heure, avant de les livrer à des dizaines de clients qui les diffuseront gratuitement.

Ces artisans de l’info, et leur travail, ont pourtant un coût que les maigres recettes publicitaires tirées du Web ne sauraient couvrir.
Imaginez que demain, l’ensemble des journalistes professionnels se mette en grève. Sur quel réseau social trouverons-nous un compte-rendu des discussions au conseil des ministres, des nouvelles taxes qui risquent de nous frapper, des débats primordiaux qui se jouent en coulisse, des scandales qui se murmurent dans les alcôves ?

La presse – qui le nierait ? – doit se remettre en question. Il en va de sa survie face à un bouleversement des usages qui a toutes les apparences d’une révolution. Mais le lecteur ne devrait-il pas, lui aussi, opérer sa petite révolution personnelle ?

Il fut un temps où la gratuité semblait la norme sur le Web. Aujourd’hui, avec le développement des micropaiements, l’idée de verser quelques dizaines de centimes pour obtenir une chanson ou une petite application utile s’est frayé un chemin dans les esprits. Pourquoi n’en irait-il pas de même pour l’information, la vraie, celle qui permet de cerner au mieux le monde qui nous entoure, celle que seuls des gens dont c’est le métier sont en mesure de fournir ?

En Belgique comme ailleurs, les éditeurs ont peut-être commis une erreur fondamentale en estimant que l’information sur le Net se devait d’être gratuite. Il n’est pas trop tard pour la réparer.

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